Dans les patates

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Oui, cela peut vous faire penser à ces hurluberlus qui publient des photos dans lesquelles on peut voir clairement la vierge Marie en personne dans les motifs d’un grilled cheese ou la face de Jésus-Christ dans un Doritos® mais récemment, je me suis ramassé pris dans une patate, dedans la patate.  Je n’ai aucun souvenir précis de comment je me suis ramassé dans la patate et c’est probablement pour ça que je m’y suis retrouvé justement. Pourrait-il y avoir un rapport avec mon métier de designer d’emballages qui m’a amené à travailler sur à peu près tous les sacs de patates qu’on retrouve sur les étals du Québec et même d’ailleurs? Une vengeance parmentière? Ou simple fatigue professionnelle?

Être dans les patates est une idiomatique bien connue définissant une condition d’embarrassement, de difficulté temporaire, de désorganisation voire de détresse.
Contrairement à se retrouver dans une situation totalement désastreuse, être dans la (les) patate(s) est une condition  légère et courante, à ne pas prendre à la légère cependant. Pour les créatifs qui tirent des choses du néant, choses qui malheureusement viennent rarement avec un mode d’emploi, c’est un lieu-commun.

Cette expression est toute québécoise et assez peu utilisée en France, où l’on préfère dire « être à côté de la plaque » ou “marcher à côté de ses pompes”.  Ici, elle tirerait son origine aux débuts de l’automobile, période où on a dû emprunter les routes jusque là destinées aux chevaux au risque de perdre le contrôle ou simplement de ne plus très bien voir où le chemin va et se ramasser carrément dans le champ de patates. Se ramasser, être dans les patates, voilà.

Cependant, gare à la confusion.

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L’observateur le moindrement perspicace verra bien que le coeur a les racines par en-haut comparativement à la patate qui les a par en bas.  Lorsque cuite, on peut piler la patate; le coeur lorsqu’on est cuit, on ne peut que se piler dessus.

Ne pas confondre avec coeur.

Au Québec, le mot patate prend plusieurs significations. Une de celles qui surprend toujours les français est l’emploi du mot patate à la place du mot cœur. J’arrête de courir, la patate va m’exploser. 

Ou encore avec faire patate.

Il existe un danger de confusion avec l’expression faire patate si notre cercle d’amis comprend des belges. Faire patate signifie échouer, rater son coup alors qu’en Belgique «faire patate» peut vouloir dire réussir.  Donc, cousins belges, ne félicitez pas un Québécois s’il vous confie : Nous avons encore fait patate au dernier referendum.

Il faudrait donc lâcher un peu la patate mais encore là, ne pas lâcher la patate est une expression qui nous vient de la Louisiane et qui signifie tenir bon, ne pas abandonner, art dans lequel les cajuns excellent comme dans leur incomparable ragoût d’écureuil.

Dans le vieux hollandais apparemment on retrouve une expression “in de pekel zitten” qui a donné naissance selon toute vraisemblance à l’expression “être dans un pickle” qui serait synonyme d’être dans les patates. Shakespeare lui-même a été le premier à utiliser la version “pickle” dans La Tempête, 1610 :

ALONSO:

And Trinculo is reeling ripe: where should they find this grand liquor that hath gilded ’em? How camest thou in this pickle?

TRINCULO:

I have been in such a pickle since I saw you last that, I fear me, will never out of my bones: I shall not fear fly-blowing.

Pour une bonne traduction de ce vieil anglais plutôt verbeux, essayez mon frère Doris, il est un excellent traducteur et se retrouve rarement dans les patates.

ail-prifeur

Il existe plusieurs façons de déterminer que vous êtes dans une (les) patate(s). Vous êtes officiellement et profondément dedans si:
… dans une soirée vous approchez sournoisement par derrière votre douce et passez rapidement vos mains sous ses bras pour attraper discrètement ses attributs mammaires et vous réalisez que c’était sa soeur. Je revois clairement l’expression indéfinissable sur le visage de Diane Bédard même après toutes ces années.
… Vous obtenez finalement ce rendez-vous avec un très alléchant client potentiel, vous réservez dans un restaurant des plus chic et dispendieux, votre carte de crédit est refusée et vous avez $3.29 dans vos poches.
… L’impôt appelle une vérification de 5 ans le lendemain que vous avez laissé les enfants passer tous vos papiers à la déchiqueteuse pour faire du faux spaghetti.
… Votre meilleur ami vous suggère de prendre un avocat et jusque là votre meilleur ami était votre avocat.
… Vous appelez votre meilleur client Raymond et depuis quelque temps ça répond dans un accent chinois bâclé qu’il n’y a pas de Laymond ici, pas Laymond, pas ici, pas pa’lé li flançais.
… Vous vous retrouvez embarré dehors, en sous-vêtements Sponge Bob, en plein jour, après que votre personne “signifiante” se soit enfargée dans quelque courriel que vous auriez écrit à une dénommée Bambi, tout le voisinage tient une immense vente de garage avec plein de connaissances qui se promènent et que vous avez beau sonner, sonner . . .

Évidemment, toutes les patates sont biodégradables et avec un peu de patience et d’humour, on finit tous par se sortir de la (des) patate(s).
Toutefois, tous les créatifs et artistes de toutes disciplines doivent se faire un devoir sacré d’y retourner au moins une fois de temps en temps. C’est une loi non-écrite.

Ça garde le créatif humble et modeste.

Flying Bum.

pieds-ailes

4 réflexions sur “Dans les patates

  1. Vous êtes en effet dans les patates, monsieur Flying Bum, parce que vos exemples se déclinent plutôt dans la gamme d’être dans le trouble jusque dans la marde. Contente de votre retour, 2017 commençait à être drôlement ennuyant sans vous.

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    • Alors vous seriez donc atteinte chère amie (dans les patates) puisque janvier a aussi eu sa publication . . . À l’origine, “in the pickle”, le pickle était un type de relish ou hachis de trucs qu’on mettait sur la viande et qui ressemblait vaguement à de la petite bouette, ou merde.

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