La chienne a envie

Novembre s’en vient et avec lui les sombres et déprimants mardis soirs qui mouillent. Juste à regarder dehors, une irrépressible envie de pisser me prend mais je n’ai pas le coeur de m’extirper du mou divan et dans ma tête je m’invente alors un jeu totalement débile, mettre ma vessie au défi pour voir combien de temps elle peut tenir avant d’échapper des gouttes. Pas grave, ma douce est à sa réunion, je suis seul avec moi-même et habillé en mou. La déprime de novembre est définitivement commencée.

Fermez vos yeux et transportez-vous un moment avec moi en Caroline du Nord un sombre mardi soir de novembre qui mouille et les Glorieux affrontent les Hurricanes dans un match de “C’est qui qui va se traîner les bottines de la plus lamentable façon dans l’indifférence la plus totale d’un aréna désert”. Par chez nous plus au nord, au pays du “watch ou crève”, on est quelques centaines de milliers anesthésiés devant l’écran à chercher un sens à tout ça en s’arrachant nonchallamment les ongles d’orteils. Et Pacioretti domine honteusement cet anti-jeu, semble se mouvoir au ralenti propulsé apparemment par les Mystérons, ses pieds ne bougeant même pas. À croire que la glace penche d’un bord et qu’il se transporte par simple gravité. Et ça penche rarement vers les coins.

CaptnPacioret

Arrive avec l’entracte une publicité qui va donner une chance à Max d’aller se reposer un peu, pauvre homme, et la chienne qui jusque-là dormait profondément à mes pieds est soudainement animée des petits soubresauts caractéristiques de la chienne qui rêve. Le volume qui grimpe inévitablement pour les pubs, comme pour nous dire: “Hé, réveille, on a de quoi à te vendre nous autres!”, et la pauvre bête qui se lève contrariée, réalisant qu’elle a les yeux jaunes, se dirige péniblement vers la porte au son des tic-tics de ses griffes sur le plancher de céramique. Apparemment, la fatalité frappe dur sur ma molle carcasse, je vais devoir me lever.

Ssssssss, je me lève, je me lève, on se calme.

En novembre, on dirait qu’il commence à faire noir pas longtemps après le dîner. La noirceur me surprend toujours et me pogne à tout coup les culottes baissées, les lumières fermées devrais-je dire. Il fait noir partout dans la maison en-dehors du rond de lumière émis par la télé. Je dois donc allumer des lampes en chemin. La première glisse un peu sur sa position quand je tâtonne avec l’interrupteur me laissant voir que la petite table était envahie de poussière, le pied de la lampe nettement imprimé dedans. “Nan…”, me dis-je alors frustré, “…je ne peux pas endurer ça”. Je m’en vais m’armer de push-push et d’une bonne guenille et je reviens époussetter tout ça. Sur le chemin du retour, après avoir vu briller la petite table, ça devient évident par contraste. La poussière est partout, fuck.

Une autre fois. Il fait trop noir.

En allant ranger le push-push et la guenille dans le cagibi, je vois que les bols de la chienne sont vides. Je les remplis donc et le bol d’eau à ras bord me valse dans les mains en chemin et j’en échappe la moitié sur le plancher. Je sors l’artillerie et je moppe tranquillement le chemin d’eau que j’ai fait entre le lavabo et le coin de la chienne. Je vois bien que je réveille sur la tuile un éclat nouveau et je réalise qu’il faudrait bien que je moppe l’ensemble de l’oeuvre, mon cellulaire vibrant sur ma fesse me sauve de la corvée. C’est Daniel, un vieil ami et bon client qui se demande bien quelle sorte de routeur j’ai pour être capable de lui envoyer autant de fichiers en si peu de temps, chez lui ça prend une éternité à télécharger. Il insiste. Je vais donc dans mon bureau à l’autre bout de la maison, je soulève le routeur et le revire de bord pour lui lire de vive voix le nom et le numéro de modèle.

Accidentellement, je le débranche et la ligne meurt, fuck. En rebranchant tout ça je m’accroche dans la petite étagère et un papier s’échappe au vol d’un livre qui vient de plonger gracieusement sur le plancher. Mystère. Je me penche pour ramasser la feuille de papier qui contient peut-être un message secret, une recette d’osso bucco divine que je cherche depuis des lunes, qui sait? Finalement, rien, nada, que des notes insignifiantes concernant un vieux mandat livré depuis longtemps. J’en fais une grosse boule et choqué je l’envoie de toutes mes forces vers le panier mais je manque mon coup. Elle frappe la souris qui en absorbant le choc réveille l’écran de l’ordi me laissant voir que j’avais des courriels, toujours une bien excitante chose que d’avoir des courriels, impossible de résister. Alors je m’asseois un moment et j’entreprends la lecture, la plupart sont des conneries et des spams. En faisant danser de gauche à droite ma chaise de bureau je réalise que tantôt je me suis arraché un ongle d’orteil un peu plus que nécessaire et que l’orteil me brûle, l’écran gèle au même moment. Je redémarre l’ordi et j’examine longuement les dégâts sanguinolents sur mon pied souffrant et je décide de remettre les premiers soins à demain. J’ai joué dans le bobo assez longtemps, mon écran s’endort paisiblement sous l’effet du screen saver.

Je me relève, je suis debout en plein milieu de mon bureau et je commence à me demander pourquoi je me suis levé du divan. C’est là que je prends la décision que les choses ont assez duré, que ce bureau a définitivement besoin d’une bonne peinture et je m’en retourne vers le cagibi pour voir s’il n’y aurait pas quelques vieux gallons de peinture que je pourrais récupérer éventuellement.

En passant devant la télé, je vois Max Pacioretti étendu sur le dos sur la glace et je me dis, fuck, il a fini par s’endormir celui-là. Je m’acotte du bout des fesses sur la table de salon pour voir un peu. Les quelques spectateurs dans l’aréna sont stoïques et silencieux et je n’entends que des tic-tics insistants sur la vitre de la grande porte patio. Merde.

La chienne a envie.

Flying Bum

pieds-ailes

À la douce mémoire de Mouska.

 

3 réflexions sur “La chienne a envie

  1. J’adore. …une pensée toute spéciale à ma belle Mouska
    Si fine. ..le fameux Max Pacioretti rien n’a changé depuis il est égal à lui même ailleurs qu’en Caroline hihi. ..il glisse partout .

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