Bien avant le retour

Je vous parle d’un temps, chantait Charles. Bien avant son retour, votre humble scribe a commis bien des actes de création littéraire ou graphique, oeuvres adolescentes et naîves mais formant racines et radicelles pour la floraison de la suite de choses. Il fallait que cela fût, puis cesse, pour que l’on assiste au retour du Flying Bum, évidemment. Au début il y avait Ti-Lou, le Flying Bum. Une vie d’homme, normale, si cette monstruosité existe vraiment, a séparé les deux époques. Beaucoup de choses hélas, de la création sublime aux pires niaiseries ont brûlé dans ma shed sur la cinquième avenue par un triste soir de l’été 1975. Ou sont passées dans une craque de la destinée. Certaines choses ont survécu, choses originaires de la fin des années soixante jusqu’à la fin des années soixante-dix. Par les temps morts de la pandémie, je suis tombé sur certaines d’entre elles, de ces choses puisqu’il faut bien les nommer. Je les partage ici pour mon seul plaisir et un peu pour la postérité, que ma petite descendance puisse voir un jour ce côté singulier de leur père, leur grand-père. Un peu d’indulgence serait de mise, je vous en saurais gré.

Note de la rédaction, environ 1970, texte d’introduction pour un recueil qui n’est jamais venu.

Notes de la rédaction

Assez impersonnel, merci, la rédaction. C’est qui ça?

Là n’est pas la question.

Les textes que vous allez lire ici sont écrits selon les standards généralement observés dans l’occident chrétien. De gauche à droite et de haut en bas et autant que possible entre une majuscule et un point.

Pour ce qui est du style, c’est de la poésie assez vite faite qu’on peut parfois entendre pouêt-pouêt quand on la lit pas assez vite et qu’elle veut nous dépasser.

De la poésie prête à s’emporter, des vers McDonald, du fast-mood.

Quelquefois même, c’est la dactylo elle-même qui les écrit toute seule. Olivetti, son nom de plume, est très influencée par l’air du temps, l’air bête et l’air conditionné. L’air de rien, malgré son âge vénérable, elle pond des dactylo-clips pour lubrique-plus, sur le câble ou sur la corde raide de la bêtise humaine.

C’est effrayant, madame chose, les jeunes lisent plus rien!

C’est pour eux que ceci est écrit.

Ça va vite, c’est pas classé en ordre alphabétique ni chronologique, il n’y a que les numéros de page qui se suivent vraiment, et encore.

C’est fait pour lire aux toilettes.

Ça sort comme des crottes, des fois facilement, homogènes et crémeuses, des fois il faut se forcer un petit peu.

Ça sort comme des flashes.

Ça se lit par petits bouts ou tout d’une traite.

Ça veut rien dire. C’est tout dire.

Sans titre (ou samedi samedi, peut-être), je me rappelle que c’est avec ce texte-là que j’ai étrenné l’Olivetti que je venais tout juste d’acheter pour une bouchée de pain au sous-sol de l’église St-Esprit à Rosemont. On peut voir en transparence des descriptions de propriétés, je rêvais de m’acheter une maison à l’époque, pas d’argent pour m’acheter du papier.

Samedi samedi

Sans titre encore, ou peut-être Qui donc ici-bas déteste l’automne?

automne

Tentative de chanson No 1

J'sors danser_titre

J'sors danser

Tentative de chanson No 2

Dans le blanc des yeux_Titre

Dans le blanc des yeux

Le voyage inutile (carnet d’un voyage avorté)

Chicago

La frontière entre la nuisibilité et l’inutilité est-elle piquetée de certitudes ou est-elle plutôt une ligne floue tracée par des caprices du jugement? L’impuissance qui engendre la béate légumité de vivre prend soudain des allures de complot lorsque sa mauvaise herbe envahit le voisin, lorsque la ligne est nettement franchie.

Que reste-t-il à tenter lorsque tout a été essayé, même rien du tout? Après le vide, le silence, après l’immobilité, où donc puiser? Quelle source tarie faire renaître? Tirer quoi du néant? De quel néant? Être une antenne qui ne capte que ses propres ondes, un émetteur qui se tait, l’inertie déguisée en mouvements débiles sur une chorégraphie qui tourne en rond, voilà la nature de celui qui se présente aux portes d’un pays où il ne veut peut-être même pas aller, où il ne sait peut-être même pas qu’il va y aller se cogner le nez.

La gigue de l’emporté, du déporté, sur la musique des autres, dans les bottines d’un autre, poussé dans le dos par le vent de la confusion, tiré par les oreilles de l’instant présent, les yeux bouchés par la bêtise qui dort en toutes choses.

Alors, se demande-t-il, où est tout le monde, où est passée la noce? De découverte en découverte, comme l’enfant qui court sans prendre garde d’une talle de bleuets à une autre, le découvreur s’éloigne, le voyageur dérive, efface sa trace et débarrasse.

Sa patrie loin derrière, son chemin de pierres ou de bière vers une destination inconnue, il traîne sa déroute sur des chemins qui n’en ont rien à foutre.

Il finit par jouir de ses propres désirs inassouvis, de se nourrir de ses appétits, de s’abreuver à même sa soif, de vivre de sa propre mort.

Ses espoirs sont démesurés, sa démesure est désespérée. Au bout de la marche aveugle, le dernier douanier lui demandera ce qu’il a à déclarer et il déclarera forfait. Son bagage fouillé, il ira . . . il rira.

Si Chicago ne veut pas de lui, il restera toujours l’Abitibi.

Poème électro-ménager, date oubliée

VintagePoeleFrigidaire

Poème électroménager_2

Acid Queen, 1974

Acid Queen

Dans l’époque colorée des noirs à running shoes blancs, Chaplin étant lui-même au berceau, le Coca-Cola commençait doucement son ascension quand soudain surgit un drôle de son, qui traversait le bruit des roues du croisière-vapeur, un étrange son de trompette qui ne tarda pas à s’étendre dans tout le sud des États-Unis et les côtes du Mississipi, mot sur lequel j’avais commencé à halluciner, penché sur une carte du Larousse. Trop de i trop de s.

Quinze minutes s’écoulèrent avant que j’en revienne, la grande cheminée sembla la première à revenir (peut-être un pli du papier) la fumée se mettait à peine à sortir que toute la scène revint avec les étoiles, l’eau et la nuit qui tombait.

Je plongeai ma main dans mon verre à crayons. Pendant ce temps, le petit bateau faisait doucement son chemin des veines aux vaisseaux. Si bien que la pointe de mon crayon prenant contact avec la virginité du papier surprît l’image de son matin, ses étoiles, ses ponts, sa roue et sa cheminée.

Il était trop tard pour le train de six heures mais c’était doux, on était jeunes, on était fous.

On était jaunes, on était flous.

 

Qu’est-ce que je disais déjà? Ah oui, l’indulgence.

 

Flying Bum

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3 réflexions sur “Bien avant le retour

  1. D’abord, entre ça et l’ADN
    pour la postérité
    mille fois mieux ça…

    Ensuite, à travers les crochus d’atomes venus me chatouiller les ans, une phrase chouchou, berçante à mon âme…
    « Il finit par jouir de ses propres désirs inassouvis, de se nourrir de ses appétits, de s’abreuver à même sa soif, de vivre de sa propre mort. »

    ‘Me semble que j’voulais absolument dire d’autre chose… Ah oui…
    L’indulgence? Mais pour quoi faire?

    Chapeau, m’sieu.
    Et bon vent pour la suite.

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  2. Parce que ça date. Un dicton raconte que la valeur n’attend pas le nombre des années, ce dicton-là a bien mal vieilli selon moi. Comme bien des choses. Mais on s’attache à nos vieilles affaires tant qu’on ne s’y accroche pas. Cette même indulgence lorsque tournée sur soi-même nous permet de continuer à tirer du néant des mots et des images malgré nos maladresses et nos déceptions. Dans le cas de la poésie, l’art que vous pratiquez si bien, de tirer de la nature des choses, des choses que la nature seule ne peut nous faire voir. Bonne journée.

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