Une saison ivre

Le teint verdâtre

de la terre ivre et repue

toute ma neige bue

marquée sur l’ardoise

d’un avril prodigue

sauf un îlot frais

qui s’étire lascif

à l’orée des ifs

et habite encore l’ombre

de moins en moins

et tristement

le temps qui reste

à se fondre dans l’oubli

 

et je vois

et je trouve

les serpents

des chemins d’hiver

tracés sur la terre

de tristes mulots

surpris à découvert

par les yeux furtifs

des éperviers affamés

deux merles revenus

le monsieur et sa dame

qui chassent parmi

les branchailles éparses

qui gisent au sol délivré

en mémoire de janvier

ses grandes bourrasques

qui les ont rompues

au sol rabattues

avant que le jardinier

d’un printemps neuf

ne les offre au feu

 

et je vois

et je retrouve

une maison

de pierres carrées

qu’on ne voyait plus

ailleurs que dans ses murs

où espérer n’offre plus

la garantie d’avant

et où mourir

a été déclaré

par un roi de bon aloi

désirable et seyant

de plus en plus

avec le temps

encore lui mécréant

qui dessine au plomb

en pesant bien fort

l’agenda du jour

trace à gré les plans

l’architecture de l’effort

à se rappeler

ce qui nous échappe

encore

 

les enfants de lumière

qui ne viendront plus

compter jusqu’à cent

cinq cent tribizillions

dans leur petite cache

sous la grande bache

derrière l’orme gris

y resteront tapis

jusqu’à l’Épiphanie

et encore…

 

combien beau ce fût

de rêver là

dans les pierres

sans épitaphe

sur des mots

à oublier

l’idée même d’un temps

droit et linéaire

pour toujours annulée

à partir d’hier

après dîner

proclame en édit

le fou du roi gentil

 

attendre même

essaie de cesser

je cesse, tu cesses

on a tous déjà cessé

abandonné au temps

les soirs coupés courts

le compte des nuits

le retour des matins

des pluies de samares

et des arbres en plumes

l’odeur de peau brûlée

dans le soleil du matin

et voilà que déjà

on voit venir un été

auquel nul n’est invité

qu’un quêteux

un étranger

ne sachant où aller

 

et voilà que déjà

dans la saison ivre

d’un gosier sec

au regard mouillé

on pleure la neige

son vent cinglant

son froid lénifiant

quand elle venait

sur nos peines

infectées

nos blessures

enflammées

déposer de sang froid

sa caresse glacée.


Flying Bum

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6 réflexions sur “Une saison ivre

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