Fécondité et chaussons sales

(Salmigondis printanier)

D’entrée de jeu, qui serait prêt à payer vingt-cinq piastres pour une omelette et des patates bouillies servies dans une assiette en carton avec deux-trois pets-de-soeurs ou un grand-père dans le sirop en bonus? Pourtant, cette arnaque est devenue le signe annonciateur du printemps dans notre beau pays du Québec. Tant qu’on arrose le tout copieusement de sirop d’érable, le cochon payeur va payer encore et s’en amuser même. C’est fort le sucre, imaginez une pleine cabane!

Heureusement, avec l’âge les goûts se replacent et l’appel du sucre vient à faiblir. Je me tiens maintenant à une bonne distance de ces nouvelles cafétérias à sucre, hauts-lieux de l’exploitation capitaliste éhontée. C’est habituellement de retour de Cuba la toujours révolutionnaire terre d’accueil du touriste québécois que le dur sevrage des cubatas et des mojitos et la peau qui pleume sont devenus pour moi maintenant le signe indéniable que le printemps s’en vient.

Connaissez-vous Éostre?

Dans De temporium ratione, célèbre ouvrage que vous avez probablement tous lu, c’est Bède le Vénérable, un moine bénédictin du VIIIè siècle qui a donné son nom à cette déesse anglo-saxonne. Le culte d’Éostre se pratiquait à l’équinoxe du printemps, le jour où le soleil se lève exactement à l’est, east en anglais. East, Est, Éostre, Easter, vous me voyez venir? C’est d’Éostre que nous vient l’idée que le printemps est la saison toute indiquée pour cette chose qu’on appelle la fécondité. De tout temps, la déesse a été définie comme synonyme de l’éternel recommencement de la vie, idée renforcée par des images d’elle entourée de choses symboliques comme des oeufs et des lapins. Son nom est également la racine du mot oestrogène, nom donné à l’hormone féminine.

On dit que l’histoire des oeufs, eux, remonterait à beaucoup plus longtemps, han. Il s’agirait en fait des oeufs d’un aigle légendaire né de la mythologie grecque et qui fût baptisé Phénix. Les oeufs du Phénix représenteraient la vie éternelle, cadeau que le gros volatile obtint en refusant catégoriquement de se nourrir à l’arbre interdit dans le jardin d’Éden. Tu parles d’un bonus juste pour ne pas aimer le goût des pommes, d’autant que l’aigle est un carnassier. On dit qu’à tous les 500 ans, l’oiseau se construit un nid fait d’herbes et d’épices scrupuleusement sélectionnées, il s’évache langoureusement sur son nid et contre toute attente après un certain temps, il fout le feu dedans et se laisse brûler vivant avec le nid (chose que j’ai souventes fois attentées mais avec un nid de Ramen bien cuit, et rien qu’en songe heureusement). Quand le feu s’éteint finalement, un oeuf pondu par le Phénix est retrouvé au creux des cendres. L’oeuf éclôt et le Phénix en émerge, ressuscité. Ce qui a valu également leur nom aux Coyotes de Phénix qui ressuscitent perpétuellement de toutes leurs faillites successives, mais on me dit que la chose reste à confirmer.

La manière anglaise

Le printemps est célébré dans la presque totalité des pays et les formes de célébration varient avec les cultures. Par exemple annuellement, à Stonehenge dans le Royaume-Uni, des druides et des païens se réunissent dans une forme de congrès où l’on performe des rituels de fécondité. On peut y observer des choses pas toujours très propres qui impliquent des transes (transes de l’esprit, pas des trans-genres, genre), des incantations chantées pas toujours sur la bonne note, des concoctions faites avec le sang d’un taureau sacrifié épaissi de douze types de grains moulus en une pâte qu’on étend sur les parties parfois même intimes de plusieurs jeunes filles incarnant des “déesses”. Le tout est suivi de multiples et longues séances de fornication qui durent jusqu’à l’aube. Est-ce juste moi ou je sens ici un potentiel énorme de nouvelle télé-réalité?

La manière roumaine

En Roumanie, il existe une tradition printanière appelée le Mărţişor, événement qui remonte à plus de 8000 ans et qui ne consiste pas uniquement à mettre d’étranges accents sur un mot inconnu. On y confectionne aussi de petits objets à partir de fil blanc et de fil rouge entremêlés (un talisman) et ces petits objets sont offerts par les hommes aux femmes, par les jeunes damoiseaux aux belles demoiselles. Les mâles les accrochent à leur élue pour leur souligner un intérêt quelconque aux choses de la fécondité et de la copulation. Somme toute, un équivalent ancien des pratiques modernes de la rose rouge et du chocolat.

Plus près de chez nous

Assez particulière mais non moins intéressante célébration qui nous vient de tout près d’ici, en Nouvelle-Angleterre plus précisément. À l’équinoxe du printemps, les anciens marins avaient l’habitude de brûler tous ensemble dans un grand bûcher toutes les grosses chaussettes malodorantes qu’ils avaient été forcés de porter en mer tout l’hiver. Les historiens ne mentionnent rien à propos de brûler du même coup les bobettes mais cela est probablement attribuable à la simple pudeur de l’époque. On peut soupçonner que ce rituel est né de l’anxiété des épouses excitées de revoir leurs époux sans avoir à retenir leurs haut-le-coeur tout le long des retrouvailles. Les chaussons sales devaient être tous consumés jusqu’aux cendres dans un grand feu de camp communautaire. Une célébration étrange certes mais qui vaut aux descendances de ces familles leur existence même et, je le présume, leur infinie gratitude. Mais peu se font un devoir de rappeler ces rites ancestraux aux générations nouvelles ou de s’en vanter. Merci, Flying Bum, pour l’oeuvre de conservation.

Alors doux printemps quand reviendras-tu, faire pousser les feuilles, faire pousser les feuilles que je torche mon . . . doux printemps quand reviendras-tu?

N’allez surtout pas mettre le feu à vos nids douillets pour sentir la vie reprendre en vous. Puissent vos oeufs éclore tous gaiment dans une joyeuse fécondité, que le sang de taureau épaissi aux douze grains ne transfère pas trop d’arrière-goût désagréable aux parties intimes de vos douces à qui je souhaite sincèrement que vos bobettes et vos chaussons sales se consument jusqu’à la poussière dans les feux de la joie printanière.

Voilà, bon printemps.

Flying Bum

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Un autre genre de vieux show son sale.

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