Touskis du vendredi

Tout ce qui traîne et que je vous sers en salade le vendredi parfois, mots de moi, mots des autres sur une romaine à quinze dollars la botte, sauce passée date.


 

Un grain de sable

C’est quoi? demande-t-il.

Du sable dans mes dents, répond-elle.

Salé? demande-t-il.

Non, ça ne goûte rien.

Laisse-moi faire, je vais essayer de t’en débarrasser.

La fille ferme ses yeux et ouvre la bouche et le garçon recherche le grain de sable dans ses dents.

Quoi, as-tu échappé ton sandwich dans le sable, il dit.

Non, elle bouge la tête de gauche à droite aller-retour, je n’ai rien mangé de la journée. C’est juste tellement venteux ici au bord du lac.

Elle lui montre encore sa dent et le garçon observe. Il monte ses mains vers le visage de la fille mais il ne la touche pas. Il place ses yeux en face de sa bouche comme s’il essayait de voir le lac au travers d’elle, placée ainsi sa bouche était comme un télescope, le lac une sorte d’âme. Le lac attendait tranquille. Le lac frémissait. Le lac s’excitait. Le vent n’avait pas l’air de savoir ce qu’il faisait. Les mains du garçon enveloppent finalement les joues de la fille.

C’est bien d’être seuls ici, tous les deux, seuls avec le lac, dit-elle.

Ils ont baissé les yeux et elle a tiré sa langue devant ses dents avant de cracher de côté et elle dit, embrasse-moi, ça devrait marcher.

Et le garçon l’embrasse longuement mais il est incapable de trouver quoi que ce soit. Il n’a trouvé qu’elle à l’intérieur de sa bouche. Il n’existe pas le moindre grain de sable au monde capable de le convaincre qu’il existait autre chose qu’elle.

Le lac a bougé un peu. Tout le reste attendait.

Ce n’est que plus tard au souper, en croquant son repas, que le garçon a senti le grain de sable qu’il avait attrapé dans la bouche de la fille. Et maintenant ce grain de sable était tout ce qu’il pouvait goûter peu importe combien de fois il se rinçait la bouche.


 

Les mots des autres

Perec, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien

Extrait, Perec, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien.


 

Antarctique

Au bout de la rue, sous la rue, un tuyau de béton d’un mètre. L’hiver avec l’eau gelée au fond et l’épaisseur des cristaux de glace limpides qui collent aux parois comme autant de diamants géants, il ne reste guère qu’un demi-mètre d’espace au centre du tuyau.

L’homme trouve le garçon dans le tuyau et demande, qu’est-ce que tu fais là?

Le garçon le regarde comme si l’homme devrait déjà savoir la réponse.

Le garçon lui répond, je cherche l’Antarctique. Plus tard, à la maison, la femme de l’homme le surprend immobile devant la fenêtre, à fixer longuement la poussière de neige qui commence à descendre lentement en spirale dans la lumière crue de la fin d’après-midi et lui demande, à quoi penses-tu? Pour la millionième fois il la déteste lorsqu’elle le surprend ainsi mais il la détesterait encore davantage si elle ne le questionnait jamais alors il hausse les épaules et dit, je pense à l’Antarctique.

Il y retourne le lendemain mais le garçon n’est plus là. Il l’attend parce qu’il sait qu’il y a quelque chose d’autre qu’ils avaient besoin de se dire mais qu’ils ont probablement oublié. Le ciel métallique s’épaissit ; l’heure avant la chute de la neige. L’homme relève et resserre son collet et rentre à la maison et sa femme l’attend dans la cuisine, debout, nue. La neige est commencée, la grosse bordée; par les fenêtres, la maison baigne dans des boules de coton blanc et la seule couleur qui existe dans la cuisine toute blanche est le vert lime des ongles de la femme. La neige tombe, puissamment et ils ne peuvent se réchauffer peu importe l’énergie que leurs corps mettent à exulter.

Plus tard il fixe encore la neige, debout à la fenêtre et sa femme demande, Antarctique? mais comment peut-elle savoir qu’il est à plus d’un million de kilomètres de là avec un petit garçon dans un tuyau de cristaux limpides.

L’homme retourne au tuyau et s’accroupit sur les genoux et sur les mains. Ses épaules passent tout juste mais il les écrase contre lui. Il s’apprête à ramper dans le tuyau, cherchant son chemin vers le nouveau continent lorsqu’un étranger s’approche et lui demande, qu’est-ce que tu fais là?

L’homme le regarde comme si l’étranger devrait déjà savoir la réponse.


 

Les mots des autres

Zappa citation

“La plupart des journalistes rock sont ceux qui ne savent pas écrire, interviewent des gens qui ne peuvent pas parler, pour des gens qui ne savent pas lire.” Frank Zappa


 

 

“Pour devenir centenaire, il faut commencer jeune.” René de Obaldia


Le s en aluminium

 

“Le gros “S” dans la contre-porte d’aluminium qui avait toujours été là et qui venait me rassurer, seul témoin survivant pour témoigner du puissant lien qui m’attachait à cette maison.”

Extrait, La première tempête, Le retour du flying bum.

(le plus petit des garçons, c’est lui le flying bum)


 

Flying Bum

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Salades du vendredi

 

Les éléphants

 

Les éléphants étaient enterrés dans le sable jusqu’au cou. D’une certaine distance, tout ce que l’on pouvait voir, des trompes et des oreilles énormes battant dans le vent chaud du désert ondulant comme un banc d’algues sous l’eau limpide. Les éléphants se battaient les oreilles contre le sable envoyant des vibrations qui leur revenaient par des ondes messagères lorsque les vibrations frappaient un objet solide. Une pierre, par exemple, une pierre assez grosse tout de même. Ou un camion transportant des cochons en cage protestant contre leur triste sort. Ou un plein camion de Budweiser. Ainsi, les éléphants voyaient venir le danger de loin.

 

On rêve de choses comme celles-là ou on les voit clairement, substances floues aidant.  On ne le demande pas, mais on les rêve, on se les imagine très bien. Et aussi on se nourrit, on dort, on marche, comme en transe à travers le dédale des tâches quotidiennes qui constituent nos vies. Peut-être bien que tous ces éléphants ont toujours été là. Peut-être n’existaient-ils pas avant que vous ne les remarquiez, que votre regard les invente. Peut-être n’existent-ils pas du tout. Ils sont là pourtant à dix mètres de la route. Peut-être que VOUS n’existez pas. Les éléphants soulèvent des questions qui n’avaient jamais été soulevées avant les éléphants.

 

Les éléphants ne sont pas stupides. Ils sont brillants, bien entraînés, et ils construisent avec leurs trompes essentiellement – qui sont beaucoup plus flexibles qu’aucun bras humain et qui peuvent aussi bien caresser un bébé que déraciner un arbre –  construisent à même le sol des tranchées profondes pour se protéger contre nos colères.

 

Les éléphants ont gagné une guerre pour Hannibal. Il a traversé les Alpes en plein hiver alors que les meilleurs stratèges militaires affirmaient haut et fort que les Alpes étaient impassables l’hiver à cause des tempêtes de neiges imprévues, des vents impitoyables. Les éléphants, souvent enterrés dans la neige jusqu’au cou, étaient capables d’avancer encore et toujours, inlassablement, grimpant ou dévalant les montagnes à travers les traîtres cols et les pentes abruptes, transportant les troupes armées de lances et de catapultes. Pas rien que quelques éléphants, on se l’imagine très bien, sont tombés dans de sournois précipices et en sont morts. Hannibal ne s’est jamais arrêté.

 

Peut-être ne s’en est-il même jamais aperçu.

 

michelangelo

 

La femme du lac

 

Sur une chaise pliante aux courtes pattes, elle est assise, seule sur la plage, les pieds dans le sable, les yeux dans l’eau, cigarette au bec, personne alentour ne la connaît ni n’en fait de cas, et ce n’est pas clair ce qu’elle veut vraiment à moins que ce qu’elle veut vraiment ne soit d’être laissée tranquille et seule, auquel cas elle a choisi la mauvaise section de la plage.

 

Elle ramasse les canettes de bière à même la caisse près de sa chaise, tire les goupilles et avale, et plus longtemps elle reste là, buvant et fixant le vide, plus sa peau prend une coloration comme de la rouille, particulièrement ses maigres épaules marquées de quelques tatouages et de brûlures naissantes. Ma douce n’apprécie guère ses allures d’enfant perdu et son visage m’effraie, l’image de la torpeur sans sourire aucun, ni expression quelconque. M’inquiètent aussi, les multiples chaînes qui pendent à son cou et qui proviennent probablement davantage de la quincaillerie que de la bijouterie et comment, après plusieurs bières, elle sort un poignard et qu’elle commence à découper des silhouettes animales dans les canettes et qu’elle les plante dans le sable à ses pieds, une tribu singulière d’aluminium qui prend vie devant elle sous les rayons du soleil. Et leurs longs ombrages inquiétants.

 

Même au hasard d’une journée aussi parfaite, il m’est impossible de résister à l’idée de lui inventer une histoire dans ma tête. Je pourrais l’appeler Adéline ou Odile. Sans me rapprocher d’elle, sans échanger un traître mot, je pourrais lui fournir une vie et une voix qui conviendraient à ses tatouages, ses chaînes, ses sculptures d’aluminium et, avant que je ne quitte la plage, je croirais moi-même à toute cette histoire. Mais il est beaucoup trop commode d’imaginer. Après une baignade, je m’approche d’elle et je lui demande si elle serait assez gentille pour m’offrir une bière. Après qu’elle aie craché un gros morviat dans le sable et qu’elle m’eut dit non, sec, sans même me regarder, j’ai continué mon chemin. Je me suis dit à moi-même qu’elle devait en avoir besoin beaucoup plus que moi.

 

Et je me suis refusé d’imaginer pourquoi.

 


Movie

Fin

La conscience est une fin en soi. Nous nous torturons d’arriver quelque part, et quand nous arrivons là-bas, il n’y a nulle part où aller. ~ D. H. Lawrence

Flying Bum

Éléphants et Michelangelo, GIF piqués sur le net, Hopper, la femme au bar, GIF de moi.

Éclairs de grille-pain (3)

À la une : C’est ce qui se produit si on échappe une rôtie bien tartinée sur les deux côtés. Elle ne sait plus de quel bord tomber et défie la gravité pour toujours. Vous l’aurez appris ici.


ToasterWonderComme un salmigondis, tutti-frutti. De tout et de rien, ce qui vient à l’esprit lorsque le nez totalement séduit par l’odeur de pain grillé, debout devant le grille-pain, on attend. Temps mort. Craque dans l’espace-temps. L’esprit s’éparpille en tout sens. Et on attend. Et l’esprit déraille. Un moment traverse le cortex. Et dès que, ô joie, sautent les deux belles tranches bien grillées, toutes ces pensées ébouriffées fuient vers les limbes désennuyer les petits bébés pas baptisés. En voici encore une fois, de ces idées singulières parfois, interceptées à temps juste pour vous, fidèles lecteurs. Vous me remercierez lundi.


Les girafes

Quel humain aurait pu être assez génial pour inventer la girafe? La question se pose. C’est un magnifique animal et c’est génial une girafe, surtout quand les chèvres sont passées avant et ont mangé toutes les feuilles du bas. Parfois, les yeux fermés dans mon lit ou dans une chaise longue l’été, je pense à elles, les girafes.

J’espère que les girafes pensent aussi à moi parfois.


Moi et les GIF

J’adore les GIF. Un que j’ai fabriqué pour un texte qui n’est jamais venu – encore.

VERSION6


 

Sa reine est partie

Lui, il est au lavabo, il lave de la vaisselle et son vieux chien se met à japper comme un désespéré. La bête se précipite sur la clôture au bout du terrain. Une bande d’adolescents passe devant la maison avec des cornets de crème glacée dans les mains. De bons enfants qui aiment cependant plaisanter avec le vieux chien et le narguer un peu avec leurs beaux cornets. Généralement, ça excite la grosse bête, son jappement monte en volume et en intensité jusqu’à ce que lui le rappelle et le fasse entrer dans la maison pour le calmer. Étrangement, aujourd’hui le chien se fatigue assez rapidement de l’arrogance des adolescents, cesse de hurler, tourne finalement le dos à la clôture et s’en retourne penaud près de la maison là où sa meilleure amie – elle, l’épouse – avait l’habitude de s’assoir en fin d’après-midi, un banc de bois où elle s’allongeait après s’être débarrassé de ses sandales, elle fumait une cigarette tranquille en caressant longuement la tête du chien qu’elle était allée chercher elle-même à la fourrière il y a de cela une dizaine d’années. Lui, il regardait par la fenêtre devant le lavabo, il observait le chien pendant qu’il faisait des tours alentour du banc, huit, neuf, dix tours, la mine patibulaire comme s’il faisait ces tours à contrecœur. Il s’assoyait ensuite prenant la pose d’une lionne, relevait la tête et le nez haut dans les airs comme pour se faire caresser, reniflait l’air doux du printemps, puis il soupirait un grand coup avant de se laisser choir devant le banc vide.


Deux petits GIF d’un artiste que je serais incapable d’identifier qui font référence à la folie de dégenrer tout ce qui bouge en communications.iwd-logo-8

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Le coeur d’une truite morte

Derniers spasmes, de la chaudière s’échappe le bruit d’une ultime danse, un son liquide, quelques flabadaps qui éclaboussent des eaux sales. Un lit de papier journal et la lame coupante qui te pénètre du cul jusqu’aux ouïes. On te passe un doigt tout le long de la colonne, un sploutch de viscères visqueux émerge de ton abdomen bleuté défoncé, étalage indécent d’organes divers sur un article du papier journal, un fait divers qui fait dresser les poils. Une situation de débâcle liquide malodorante, une ampoule explosée, énorme furoncle éclaté, comment tu t’es ramassée là, stupide truite. Un ver juteux? Une fausse mouche en polyester jaune? Tu veux retourner à l’eau maintenant? Tu y vas. Un puissant jet de robinet pour ta dernière rincée, en v’là de l’eau. Contente?

La farmes-tu ta yeule à c’t’heure? stupide truite, ça a été une dure journée pour tout le monde.


 

Et si c’était ça l’amour?

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L’amour est plus fort que tout !
OK . . .
Mais l’envie de chier se défend pas mal aussi.


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Elle roulait des yeux

(Roman Harlequin à deux personnages en moins de 200 mots seulement)

Elle marchait sur la plage, sa longue chevelure ondulant comme les vagues sous le soleil couchant et elle roulait des yeux. Un beau gosse apparaît au loin, marche vers la belle et triste jeune fille.

“Pourquoi es-tu si triste,” demande-t-il en s’approchant tout près d’elle.

Elle s’est retournée brièvement vers lui, le dernier roulis d’une vague venait délicatement lécher son pied.

“Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi?” demande-t-il.

“Non, j’ai bien peur que non,” soupire-t-elle en roulant des yeux, toujours.

“Qu’y a-t-il donc?” insiste-t-il.

“Je ne sais plus moi-même. Seulement quelqu’un qui m’aime le saurait.”

“Alors, laisse-moi essayer.”

Il a pris sa main, tourné la paume vers le ciel en la soulevant très délicatement. Pendant un bref moment qui aurait bien voulu se figer dans le temps, elle observait au creux de sa main le soleil couchant qui s’y berçait.

“Oui, c’est cela. C’est bien cela que je veux,” murmure-t-elle, surprise et ébaubie.

“Je sais,” dit-il, “je sais. . . mais je ne t’aime pas.”

Puis il a repris sa route laissant la vague lentement effacer la marque de ses pas derrière lui dans le sable blanc.


 

Zappa Forever

tu y crois dur comme fer

sans réaliser vraiment

tu crois dur comme fer

que ce sera pour toujours

alors

quand Zappa meurt

tu te fais tatouer

sa face longue

sa grosse moustache

ses gros sourcils

give me your dirty love

directement sur ta cuisse

la moue manquée

tatoueur bon marché

on dirait qu’il rit

Zappa, pas le tatoueur

comme elle

son cher Leon Russel

sur sa cuisse à elle

this song for you

tellement ancré

dans l’univers

dans l’instant présent

tellement beau

mais encore

et aussi ensuite

vient son départ

pour de bon

tu deviens ce triste type

qui

chaque fois qu’il chie

est observé de près

triste et résigné

par Frank Zappa

Zappa forever

on dirait qu’il rit

crampé

le tabarnak.


 


Le Flying Bum

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Bonus : Le hit de l’été !

Perdus dans l’espace

Bonheur à vendre

Andréanne épluchait les petites annonces des grands quotidiens minutieusement depuis qu’elle avait quitté la maison de ses parents parce qu’elle ne pouvait pas s’offrir le luxe d’un téléviseur. Et aussi parce qu’elle souffrait d’insomnie. Maintenant il y a cinq téléviseurs dans sa maison. Cela peut sembler redondant mais toutefois nécessaire et justifié. Il y en a un, installé à la cuisine, pour l’accompagner lorsqu’elle hache, tranche, coupe et lave ou essuie, qu’elle enfourne et attend les yeux dans le vide la clochette de la minuterie. Il y en a un, installé dans sa chambre à coucher là où elle écoute les quinze premières minutes d’un film plate avant de tomber endormie la tête appuyée sur le torse de son mari. Elle s’interroge toujours à savoir si Charles déplace sa tête sur son oreiller à l’instant même où elle s’endort ou s’il la garde sur lui et caresse ses cheveux jusqu’à la fin du film, mais elle n’a jamais osé lui demander. À cause, par peur, la possibilité qu’il lui donne la réponse qu’elle ne voudrait pas entendre. Il y a également un téléviseur installé dans une chambre inoccupée qu’elle espère toujours transformer en chambre d’amis un jour, si jamais elle avait des amis, un autre dans la salle familiale qui joue des enregistrements choisis pour bébé Henri. Andréanne laisse Henri regarder rien d’autre que des vidéos choisis – ceux avec de belles bandes sonores, de belles histoires pour bébés avec des personnages qui rient toujours et des jouets brillants de propreté. Elle ne peut s’empêcher de remarquer la drôle de bouille que prend le visage du petit à force de les regarder, des petits airs d’opiomane, toujours les mêmes films, et elle trouve bien difficile de savoir si elle nourrit l’esprit du petit de cette façon ou si elle ne serait pas en train de le lui dessécher totalement.

Andréanne pense à toutes ces choses mais ne sait pas comment se motiver suffisamment pour y changer quoi que ce soit. Elle s’inquiète de l’état de son propre esprit. Cervelle de maman, appellent-elle la chose, entre mamans full time au parc, puis elles rient comme des petites chinoises. Jaune. “J’ai encore mis la crème glacée dans la boîte à pain et le beurre d’arachides au congélateur,” dit l’une d’elles en s’esclaffant, “cervelle de maman!” Andréanne est pourtant convaincue d’avoir lu quelque part, probablement dans un de ses petits mensuels de potins de vedettes, que la maternité devrait, au contraire, améliorer ses fonctions cognitives. En réalité, Andréanne ne lit plus rien. Elle pense que c’est temporaire, que ça lui reviendra le temps venu. Elle prend des romans de la bibliothèque, les empile sur sa table de chevet et avant de se faire mettre à l’amende, elle les rapporte, pas lus. Elle n’arrive pas à s’expliquer elle-même ce comportement irrationnel.

Tout ce qu’elle peut encore lire depuis l’arrivée d’Henri, ce sont encore les annonces classées des grands quotidiens. Jadis, elle les lisait minutieusement, en riant parfois – robe de mariée à vendre, n’a servi qu’une seule fois et toute cette sorte de choses. C’était comme ça, lorsqu’elle était plus jeune et qu’elle ne pouvait rien s’offrir et qu’elle s’imaginait pouvoir se payer toutes ces choses de seconde main qu’on offrait dans les petites annonces. Maintenant, elle ne veut plus rien. Mais elle les lit toujours avec plus de voracité que jamais, comme s’il manquait toujours quelque chose à sa vie et qu’elle le trouverait là.


Ce sera le signe

Si elle voit une voiture jaune avant d’arriver au coin, alors il va appeler, pense Anne-Sophie. Elle n’aurait pas dû choisir le jaune, la plupart des nouvelles voitures sont grises, noires ou blanches, rouges ou bleues au pire. Qui manque suffisamment d’attention de nos jours pour se promener dans une voiture jaune canari? Anne-Sophie marche regardant distraitement les vitrines.

Il a dit qu’il appellerait et chaque fois qu’il l’a dit, il l’a fait. Elle n’avait aucune raison de croire qu’il ne le ferait pas. Jaune! Allez, voitures jaunes! Un gros Hummer jaune de Gino, s’il le faut! Merci. Merci, Gino, d’aimer les Hummer jaunes.

Si elle se rend au coin avant que le feu ne tourne au vert, alors, il restera pour la nuit. Il n’est jamais resté à date. Une autre façon à lui d’être fiable – il appelle toujours avant midi, il s’en retourne toujours avant minuit. Anne-Sophie ne s’explique pas encore très bien les sentiments qu’elle éprouve pour lui. Lumière rouge au loin. Anne-Sophie marche. Elle se dit que si on le mettait en ligne avec d’autres, comme une ligne de suspects, elle ne le choisirait probablement pas. S’il y avait, mettons, cinq hommes en ligne et qu’elle se tenait de l’autre côté du miroir et qu’elle pouvait les voir mais pas eux. Cinq hommes debout bien droit, gênés et inconfortables, se dandinant d’un pied à l’autre. Elle ne le choisirait pas, elle tenterait plutôt de trouver le plus gentil, plus gentil que lui.

Et elle marche.

Mais comment le différencier? Comment savoir lequel serait du genre à marcher toujours sur le bord du trottoir, comme si elle était la chose la plus précieuse et qu’elle avait besoin de protection? Si elle pouvait s’attendre à s’éveiller tous les matins avec la bonne odeur du café qui serait déjà préparé? Si elle n’avait jamais plus à cirer ses chaussures elle-même? Ne serait-ce pas l’idéal si au lieu de longues règles qui indiquent leur taille, on appuyait ces hommes sur une sorte de charte qui mesurerait leur gentillesse?

Anne-Sophie marche toujours.

Anne-Sophie est presqu’à l’intersection maintenant et la lumière ne veut toujours pas tourner au vert. Je peux y arriver, je peux le faire, pense-t-elle, et elle s’arrête. Reste plantée debout au milieu du trottoir comme une tarte.

Elle attend.


La deuxième affiche

La première affiche dit “Si vous viviez ici…” et elle est campée devant un de ces blocs appartements qui rappellent à Léopold les jeux de briques de construction de son enfance. Carrés, rectangles, des fenêtres et des portes, jamais assez de portes. Rien de bien compliqué, pas comme les jeux d’aujourd’hui. Les blocs ne sont ni vieux, ni récents. Rien que des blocs appartements plantés là. Toutes les fois qu’il est passé par là de retour de son travail vers sa maison sur le lac, toutes ces fins de journée, il n’a jamais vu quelqu’un entrer ou sortir de ces blocs, quelqu’un qu’il connaissait bien. Trois ans qu’il effectue ce trajet. Trois ans qu’il se réveille le matin au son des oiseaux, de l’eau, dans son morceau de nature à lui.

Sa maison a trois chambres mais il n’ouvre guère qu’une porte. S’il avait eu des enfants, ils auraient pu prendre ces chambres. Mais elle n’est pas restée assez longtemps pour cela.

Il avait remarqué qu’une fenêtre d’un de ces blocs avait de vrais rideaux. À niveau de voiture, la plupart étaient drapées de n’importe quoi, des vieux draps pour séparer les occupants du monde extérieur, le trafic qui passe toujours. Plus haut, un drapeau qui sort à moitié par la fenêtre ouverte et laisse passer la lumière de l’appartement. Léopold a déjà rencontré le gars qui habite là, à tout le moins quelqu’un exactement comme lui, lui-même – va savoir. À d’autres fenêtres, ici et là, sont installés des mini-stores bon marché en PVC – de ceux qui répandent un poison dans l’atmosphère lentement mais sûrement comme dans un lent cauchemar.

Léopold ne sait pas où elle habite maintenant. Elle habitait un bloc appartement le long de l’autoroute mais elle a déménagé depuis parce que cela la troublait de savoir que sa voiture passait tout près matin et soir. Et c’est là qu’ils s’étaient connus. Elle le lui a écrit. Elle disait le faire pour fermer les livres pour toujours. Léopold n’y comprenait rien. Il n’est jamais descendu de voiture. Jamais même ralenti. Jamais cherché désespérément derrière laquelle de ces fenêtres elle se trouvait. Il espère qu’elle a trouvé quelqu’un de bien. De mieux que lui. Quelque part de mieux que dans ces horribles blocs appartements.

Pas tellement plus loin, après le premier bloc, il y en a un deuxième, en tout points semblable au premier. Il y a également une affiche campée devant, semblable à la première, mais celle-ci dit : “…au moins vous seriez à la maison déjà.”


Sous le signe de Mercure

Lorsqu’Annie se lève le matin, elle ne regarde pas son horoscope. Un petit pipi matinal. Elle se lave les mains, le visage, brosse ses dents et ne regarde toujours pas son horoscope. Elle brosse longuement sa chevelure en broussaille, son regard qui passe carrément à travers de son image dans le miroir. Elle ne regarde toujours pas son horoscope. Elle se prépare un pot de café et pendant que le café s’écoule, bloup, bloup, bloup, elle capitule et ramasse le journal sur le palier et le tourne à l’envers. Pas aujourd’hui, affirme son horoscope. En pas tellement de mots, pas plus qu’il n’en faut, mais c’est ce que ça dit. Vous ne trouverez pas votre âme sœur aujourd’hui. Ça parle aussi d’immobilier, quelque chose à propos de patience et de Mercure. Comme si Annie avait quoi que ce soit à foutre de l’immobilier, ou de Mercure.

Le café est amer. Elle ne peut même plus se rappeler de la dernière fois où son café avait été buvable, avait goûté aussi bon que la publicité le promettait. Elle se dit que ce doit être la faute de ce café si elle se sentait plutôt à pic et déprimée ce matin, qui lui donnait cette bête certitude que si elle ouvrait la bouche pour parler ce ne serait que pour écouter son propre écho ennuyant. Le café n’avait jamais plus été pareil depuis qu’elle avait cessé de fumer. Elle ne pouvait plus se rappeler pourquoi elle avait commencé à fumer dans un premier temps. Quelque chose à voir avec l’idée d’avoir l’air plus âgée, plus mature, une idée qu’elle trouvait complètement ridicule maintenant. Elle ne se rappelait plus d’une seule journée maintenant où elle n’avait pas fait d’effort pour paraître plus jeune au contraire. Elle se demande s’il y a eu une période tampon entre les deux, un moment béni où elle n’avait été ni trop jeune ni trop vieille, juste parfaite. Juste parfaite mais elle l’a complètement loupé.

Annie relit et croit que immobilier veut dire maison, que maison veut dire famille et que la patience est une vertu et la vertu sera récompensée et que si aujourd’hui n’est pas le bon jour, alors ce jour viendra tôt ou tard.

Comme si Mercure pouvait subitement se rendre visible à ses yeux dans la lumière grisâtre de ses tristes matins.


Inséparable perdu.

L’affiche était brochée au poteau de bois, les languettes de papier découpées abandonnées aux quatre vents, elle était assez racornie pour qu’on croit qu’elle était brochée là depuis des lunes. Mais Léon passe devant ce poteau deux fois par jour, tous les jours pour se rendre au supermarché de quartier et il ne se rappelle pas avoir vu l’affichette avant. Inséparable perdu, y lit-on en gros. En plus petit et entre parenthèses le mot oiseau, SVP appelez, au bas du message. Sur chaque languette détachable, un numéro de téléphone.

Léon repense à l’affiche tout le long de son trajet. Il se demande bien à quoi peut ressembler un inséparable et si ce ne serait pas une sorte de cygne, trompette? Siffleur ou chanteur? Il se promet de se rappeler de la question et de vérifier à la maison à son retour. Il s’imagine pouvoir, s’il connaissait son nom, son chant, appeler l’oiseau de la bouche ou de l’appeau, comme dans la vieille chanson de Noël. Il suppose que l’affiche a été placée là pour les passants comme lui, sollicitant leur aide et il aurait été éminemment plus facile d’appeler l’oiseau que d’attendre de l’apercevoir, l’affiche ne pourrait pas avoir été placée là à l’intention de l’inséparable qui ne se serait jamais séparé, c’est dans sa nature de rester avec un autre inséparable, toujours, sinon à quoi bon l’appeler un inséparable. Ou alors on tremperait dans la métaphore jusqu’au cou, pensait Léon, et cela faisait des années qu’il ne s’était demandé si oui ou non on pouvait interpréter ce genre de choses de façon métaphorique. Il cogitait là-dessus en poursuivant sa route.

Et dans toute cette réflexion, son propre mouvement dans l’espace et dans le temps, l’esprit occupé ailleurs, Léon n’avait pas pensé une seule fois à Élise, à lui qui l’avait abandonnée là, avec son petit bagage, à travers tous ces vieux et toutes ces vieilles qui sentent drôle et qui ne sourient jamais, elle toute jeune et pourtant si près de sa fin. Pas une seule fois pensé, dans cette distraction inopinée, à ces douze jours et ces onze nuits passés depuis qu’elle n’était plus là et comment à chaque nouveau matin, au réveil, il se retrouvait immobile exactement dans la même position que la veille, ses yeux toujours fermés sans avoir dormi ou si peu, épiant chaque son et chaque mouvement dans la chambre ou ailleurs dans la maison, quoi que ce soit qui aurait pu lui dire qu’il n’avait que rêvé ces choses horribles et qu’il pouvait maintenant rouvrir les yeux en toute confiance.


Flying Bum

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Trois petites vite

On ne peut pas tous être Michel Pagliaro

Rémi Doré capotait sur Michel Pagliaro. Il disait à qui voulait l’entendre qu’on ne l’avait pas baptisé avec quatre notes de musique pour rien. On avait juste à le regarder aller. Les filles lui arracheraient sa chemise sur le corps. Quand il s’était laissé allonger les cheveux et s’était mis à porter des lunettes de soleil vingt-quatre heures par jour à l’intérieur comme à l’extérieur, comme Corey Hart, tout le monde s’était mis à rire de lui. Il disait qu’il n’avait pas le choix, qu’il avait des yeux roses. On était alors en neuvième année. C’est en dixième année qu’il avait dit au professeur d’éducation physique qu’il ne pouvait pas aller dans la piscine parce qu’il n’avait pas de maillot ni de serviette. Il ne voulait juste pas enlever ses lunettes fumées. Ou montrer son corps maigrichon. Le professeur l’avait poussé tout habillé dans la piscine et ses épais pantalons en corduroy étaient restés collés après ses minces pattes tout le long du cours d’algèbre, de culture religieuse aussi. Et puis, Sylvie DeLaCouture nous a raconté après une danse de gymnase d’école que Rémi Doré lui avait confessé, un soir qu’il était paqueté raide, que quelquefois il se tartinait les deux couilles avec du beurre d’arachides et qu’il laissait au bichon maltais de sa mère le soin de les nettoyer pendant qu’il se branlait gaiment. Le plus drôle c’est que tout le monde savait que Rémi Doré n’avait qu’une seule couille. Une sale chute en bas d’un arbre. Après son déménagement, l’été avant le collégial, quelqu’un m’a raconté qu’il avait triché avec son âge et qu’il était serveur à la taverne Dagenais, bien qu’Adrienne Portugais m’ait raconté que Pélo lui avait dit l’avoir vu à l’Iroquois vendre de l’acide pour le clan Dubois et sa meilleure amie Carmen Picard  avait confirmé le fait mais en rajoutant qu’il était maintenant en-dedans mais Pélo avait ajouté qu’Adrienne Portugais l’avait vu opérer les tasses rouges de Beauce Carnaval à la foire agricole de Saint-Hyacinthe pas plus tard que la semaine passée, enfin, elle jurait que c’était lui. Ce que je sais c’est qu’il s’était fait déclarer mineur émancipé pour échapper à son trou-de-cul de père et qu’il était déménagé quelque part en région, assez loin pour ne jamais plus tomber par hasard sur lui. C’était mon ami malgré tout. Alors j’ai dit à tout le monde qu’aux dernières nouvelles que je tenais de source sûre, Rémi Doré se tapait maintenant dans les deux-cent-mille piastres par année à opérer un bateau de pêche en Alaska. Même chose que j’ai entendu quand plus tard j’ai revu Sylvie DeLaCouture qui m’a dit que Pélo lui avait raconté la même histoire, sauf que c’était aux Bahamas.


Laver laver

Enfin deux minutes seule pour aller niaiser sur internet. Elle dépose son verre sur le bureau de façon plutôt brusque, le jus a tout éclaboussé.

–“Merde”, se dit-elle examinant le dégât tout en se léchant goulument le bout des doigts. Elle court à la cuisine chercher des serviettes de papier mais il n’y en a plus, plus d’essuie-tout dans la salle de lavage non plus, elle attrape un t-shirt sale dans le panier.

–“Laver, laver…” qu’elle se met à chantonner tout haut.

Une voix grave d’outre-tombe répond : –“Savez-vous savonner?”

Penchée à nettoyer, elle se redresse droite comme une barre, sa colonne vertébrale pisse la sueur comme une rivière. La raie de ses fesses, on se garde une petite gêne. Les petits poils folichons sur la base de son cou se dressent raides comme des clous de six pouces. Ses oreilles brûlent. Flabergastée, elle se risque timidement du bout de la gueule, craintive.

–“Laver, laver.”

–“Savez-vous savonner?” répond encore la voix.

Les pupilles en proie à des vibrations incontrôlables, les lèvres tremblantes, sa tête à la peau maintenant blanche tourne lentement scannant la pièce scrupuleusement. Elle perçoit un bruissement, comme un froissement de tissu. Ses mains parcourent son visage puis son torse. Ses mains sentent à travers ses côtes son coeur s’affoler là-dedans. Pou-poum, pou-poum.

–“Lav…” entreprend-elle sans être capable de finir les mots.

Dehors, tout est noir. Elle regarde partout et nulle part en même temps. Elle fixe le dégât de son verre de jus.

–“Laver, laver, savez-vous savonner,” reprend la voix mais plus douce cette fois.

Ne sachant plus comment réagir, quoi faire, où aller. Crier ou se taire. D’où ce bruit vient-il. Pourquoi mes jambes veulent plier. Ses yeux roulent au fond de leurs orbites, ses grandes mains viennent se rejoindre une sur l’autre sur sa bouche aux grandes lèvres maintenant violettes.

–“C’est moi,” reprend la voix, “c’est moi, maman.”


Musique à bouche

En deux tours de tête et trois pas de trois, Adéline avait déjà fait le tour du Musée de l’Insignifiance de Tiblemont. Ses mots à elle, plate, plate, plate. La dérision est un mystère pour Adéline.

J’essaie toujours de voir le beau côté de toutes choses. Mes mots à moi, au moins la visite est gratuite.

On était plantés devant une vielle boîte de poivre McCormick en tôle, montée sur un socle avec un petit descriptif drôlatique sur un carton plié en deux, comme si ça avait pu donner de l’intérêt à la chose. Le seul intérêt qu’elle aurait pu y voir c’est un vague souvenir de Chez Mémaine où on allait jadis manger un spécial du jour à trois piastres et vingt-cinq et qu’il traînait toujours une boîte de poivre McCormick en tôle sur la table. Les jours heureux. Ou ça l’allumait de savoir que le Musée de l’Insignifiance de Tiblemont était le dernier arrêt de notre long périple avant Lebel-sur-Quévillon et c’est là que j’ai allumé pour la première fois. Pour Adéline, nos vacances étaient essentiellement à propos de tourner une page.

Ses mots à elle. Ça ne fonctionne plus. Nous deux.

Pour moi, nos vacances n’étaient pas à propos de tourner une page. Mes mots à moi.

Alors nous sommes là à Tiblemont, Québec, Musée de l’Insignifiance. Mon idée à moi. Dès qu’Adéline avait démontré des signes avant-coureurs que je devrais bientôt me préparer à une transformation personnelle (nouveau statut, nouvelle garde-robe, nouvelle coupe de cheveux, nouveau compte “Cœurs à prendre”), j’avais aussitôt donné un dépôt sur ce magnifique motorisé pour l’emmener faire son voyage de rêve à Lebel-sur-Quévillon. Je lui avais promis de réaliser son rêve, sur la tête de ma mère pis toute. Une opportunité exceptionnelle. Une aubaine. Un Ford Éconoline adroitement pimpé en confortable baise-o-drôme, avec seulement 300,000 kilomètres au compteur!

Juste ça, ça valait le voyage, disait-elle le visage soudainement radieux, en me pointant du doigt une touchante pieuvre-jouet en douce peluche à peine usée. Pas cher. Trois piastres. Ça vaut même pas la peine de pas l’acheter, ses mots à elle.

Mes mots à moi. Vraiment? Je tente toujours de voir le bon côté des choses, dans ma tête je tourne les choses dans tous les sens et là, je ne trouve rien.

Une pieuvre, ça possède trois cœurs, savais-tu ça?, mes mots à moi. Ça fait beaucoup de cœurs à briser dans une seule journée, non?

Elle marinait sur place dans son propre silence ébaubi.

Elle est demeurée comme ça jusqu’à Lebel-sur-Quévillon. Puis jusqu’à Montréal tout le long du trajet de retour. Dans mon livre à moi, c’était la chose la plus gentille qu’elle pouvait faire dans les circonstances. La plus belle chose qu’elle n’avait jamais faite pour moi. Ces deux longues journées de silence m’ont laissé amplement le temps de penser . . . à la note d’harmonica.

Au Musée de l’Insignifiance de Tiblemont, j’avais lu devant l’exhibit en question qu’un type, après avoir travaillé trente ans sous la terre à Lebel-sur-Quévillon, s’en retournait seul dans son bled natal en Beauce. Pas aussi riche qu’il ne l’avait cru au départ. Une petite patrie qu’il ne reconnaîtrait probablement même plus. Une place qu’il n’avait pas revue en trente ans. Mais il devait abandonner sa vie, son logement de mineur à un plus jeune. Il avait pris l’harmonica –le même harmonica qui trônait encore sur son socle– et aussitôt qu’il avait poussé une note, il l’avait redéposé sur le socle avant de tourner les talons. Le pauvre homme avait tout de suite su que c’était là la note la plus triste au monde. Et le petit carton sur le socle près de la musique à bouche abondait : Cet harmonica émet la note la plus triste au monde.

J’ai pensé à cette note d’harmonica tout le long du voyage de retour.

D’une certaine façon, j’y pense toujours.


Flying Bum

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Éclairs de grille-pain (2)

C’est ce qui se produit si on échappe une rôtie enduite de confitures sur les deux côtés. Vous l’aurez appris ici.


Comme un salmigondis, tutti-frutti. Vendredi. Ici, de tout et de rien, ce qui vient à l’esprit lorsque le nez totalement séduit par l’odeur de pain grillé, debout devant le grille-pain, on attend. Temps mort. Craque dans l’espace-temps. L’esprit s’éparpille en tout sens. Et on attend. Et l’esprit déraille. Un moment traverse le cortex. Et dès que, ô joie, sautent les deux belles tranches bien grillées, toutes ces pensées ébouriffées fuient vers les limbes désennuyer les petits bébés pas baptisés. En voici encore une fois, interceptées à temps juste pour vous, fidèles lecteurs. Vous me remercierez lundi.


Orgasme : C’est lorsque les circonstances nous empêchent de l’atteindre que l’on peut réaliser totalement toute l’ampleur de la nécessité de l’orgasme.


Idiobiographie : Choses que vous ne voulez probablement pas savoir de moi. On a déjà traité celui qui écrit sur lui de suiloque. Je sui-suiloque.


Parlant de suiloque, Rousseau : (Jean-Jacques, pas Stéphane) Si pour égayer sa vieillesse J.J. avait besoin de se rappeler le souvenir de ses premières années, ne pouvait-il pas se procurer cette satisfaction sans importuner les lecteurs de bagatelles qui n’ont pour eux aucun intérêt? Ne pouvait-il pas rire tout à son aise du tour qu’il a joué à la vieille Clot, en pissant dans sa marmite, sans informer le public d’une pareille circonstance? Et où en serions-nous si chacun s’arrogeait le droit d’écrire et de faire imprimer tous les faits qui l’intéressent personnellement, et qu’il aime à se rappeler? (Critique de l’Année Littéraire sur Les Confessions de Rousseau)


Terreur : je ne connais pas l’origine de mon mal et je ne me rappelle plus lorsque cela a commencé. J’ai peur du courrier. Tout se passe au niveau de l’abdomen, une pression monstre. Je crie, j’implore une anesthésie générale lorsque la palette rouge se dresse au-dessus de la boîte aux lettres. La vie est fuck’n cruelle parfois. Ignorez toutes ces enveloppes qui vous réclament toutes votre pécule chèrement gagné. Ne jamais ouvrir ces enveloppes. Ces idiotes ne font que tenter de vous effrayer en changeant de couleur de mois en mois.


Anatomie : Mon coeur héberge quelques passagères éternelles ramassées au passage sur mes parcours amoureux. J’ai un drôle de pressentiment. Je crois que je vais me trancher les chairs du torse, scier les côtes et gratter chaque couche de viande de mon organe cardiaque jusqu’à ce que je les atteigne. J’ai besoin de savoir si elles se sont mises à comploter contre moi là-dedans.


Carpe diem : Si votre œil est incapable de percevoir toute la beauté dans l’insignifiance de l’existence, la plupart de vous jours sombreront définitivement dans l’oubli. Prenez des notes.


Intermède théâtral.

UNE HISTOIRE D’AMOUR

Pièce en un seul acte.

Dans la chambre à coucher d’Évelyne

Lumière

2050 après Jésus-Christ, le sexe se pratique maintenant sans contact. Évelyne est au lit. Entrée de Lothaire – il s’asseoit près d’Évelyne sur le lit. Évelyne et Lothaire bipent une fois chacun. La transaction est complète. Ils vapotent. Évelyne se demande ce que goûte Lothaire. Elle s’imagine que son goût doit s’apparenter à l’odeur d’une savonnette à l’avocat qu’elle a déjà utilisée. Lothaire songe au climat éternellement changeant, inquiet.

Sortie de Lothaire.

Évelyne publie un long billet à propos de Lothaire sur son blogue. Lothaire ne lit jamais le blogue d’Évelyne.

Lumière

Rideau.


Cornichons dans le vinaigre : J’ai récemment réalisé que je ne détestais plus les cornichons dans le vinaigre. Comme la vie est espiègle. Je me suis surpris à ne pas les enlever s’ils faisaient déjà partie de la recette d’un burger du commerce mais je ne crois pas avoir atteint le point où j’en croquerais un frais sorti de son bocal, la ressemblance à un aquarium surpeuplé de batraciens étranges probablement, ou de demander spécifiquement à un grand chef d’en rajouter à un plat quelconque, à l’exception peut-être des jours qui nécessitent un geste particulier pour s’extraire de l’insignifiance de l’existence et qui demandent à se démarquer des hiers et des lendemains en tout point semblables, cette différence fût-elle si mince, verte, marinée et tranchée finement.


La baffe: Arrivé dans la grande ville en septième, mon père m’avait inscrit dans une école des frères maristes. Totalement inconnu du frère Côté, premier jour de classe. Lui non plus je ne le connaissais pas. À la prise des présences, par ordre alphabétique, un Saint-Amant, un Saint-Onge et moi un Saint-Pierre. Une passe sur la palette. Abandonner un gigot au chien, c’est pareil.

Ah oui, ânonnons!

Saint-Amant . . . présent.

Saint-Onge . . . présent.

Saint-Pierre . . . priez pour nous.

Réception du gag, nada. Le frère s’avance calmement dans le rang jusqu’à moi, stoïque. La baffe est partie, vous ne croiriez même pas la force que l’ecclésiastique y a mise. Pas tous des amateurs de petits câlins, les frères maristes, je vous jure.


Paternel : J’ai longtemps pensé que mon père était pathétiquement égocentrique, absent à ses fonctions d’éducateur et sans aucune espèce d’affection pour ses enfants (moi), depuis j’ai réalisé qu’il était un humain, et par définition, les humains n’ont généralement aucune espèce d’idée de ce qu’ils font.


Une pour monsieur Freud : Tant qu’à être dans la famille et les blessures profondes de l’âme, ma mère avait un chaudron en aluminium mince, cabossé et noirci à l’usure, l’usure étant due à la préparation d’une quantité impressionnante de batch de popcorn au beurre. Ma mère, pour des raisons intimes restée inconnues à ce jour et qui l’ont suivi dans la tombe, ne partageait JAMAIS son popcorn avec ses propres enfants, marâtre. C’est même passé dans les gênes de la famille. Lorsque quelqu’un pige dans MON bol de popcorn, mon ADN en entier s’excite, mes yeux s’exorbitent, j’ai le goût de tuer.


Pointillisme (Qué Seurat, Seurat) : Je crois que la scène de Ferris Bueller’s Day Off où le personnage Cameron souffre d’une puissante et intense angoisse existentielle à admirer la mâchoire pendante une toile pointilliste, a été placée dans le long-métrage seulement pour que le cinéphile dont le cerveau accroche maladivement à cette scène, procède à sa propre angoisse existentielle devant la scène, se sente comme s’il était la seule personne au monde qui ait vu ce film et qui s’émeuve spécifiquement de cette scène. Vous me suivez?


Parler de soi, quelle vilaine chose : Pourquoi Rousseau parlait-il si longuement de lui, ses motifs comme les miens ne sont pas aussi clairs à moi-même que je ne me l’étais figuré avant lui. Victor Hugo, par contre, dans ces dernière paroles de Gavroche, parlait assurément de moi.

On est laid à Nanterre,

C’est la faute à Voltaire,

Et bête à Palaiseau,

C’est la faute à Rousseau.

Je ne suis pas notaire,

C’est la faute à Voltaire,

Je suis petit oiseau,

C’est la faute à Rousseau.

Joie est mon caractère,

C’est la faute à Voltaire,

Misère est mon trousseau,

C’est la faute à Rousseau.

Je suis tombé par terre,

C’est la faute à Voltaire,

Le nez dans le ruisseau,

C’est la faute à… (Gavroche meurt)


Je ne crois pas avoir entendu le petit craquement caractéristique du sceau de sécurité qui doit se rompre à l’ouverture de mon flacon d’antihistaminique. Ceci pourrait fort bien être mon dernier texte.


Flying Bum

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Éparpillé

Des choses qui étaient éparpillées ici et là, que je regroupe ici pour ne pas les perdre.


“Mais quelquefois tout ce que j’écris à travers la lucarne de mes yeux râpés ressemble à un instantané, sinistre, rapide, criard, intensifié par sa propre vie, paralysé dans sa triste vérité. Tout est mésalliance. Mais encore, pourquoi ne pas dire ce qui s’est passé?”

Robert Lowell, Day by Day, (traduction de moi)


En équilibre, étourdi.

Fildefériste mal chaussé, mal barré, un câble tendu sur la vallée noire des sombres desseins qui m’attendent en bas.

Personne ne sauvera plus personne, c’est la raison pour laquelle j’écris, le crayon bien serré dans mes doigts exsangues.

Comme on serre un tronc d’arbre dans nos bras, qu’on s’accroche à sa force immuable; qu’on entend se lever les gémissements, les cris, la tempête.

Que le plomb craque au bout du crayon.

Qu’on veut retourner se crisser dans la neige d’hiver.

Sur le dos faire des anges.

Descendre dans la glaise d’été douce et chaude, se laisser gober par elle.

Je prenais quatre, six, huit bains le même jour avec des feuilles mortes, des sels et des cailloux magiques pour la retrouver.

Tenter la réunion comme un enfant pousse de ses petits doigts l’Amérique du Sud sur l’Afrique convaincu que ça va encore et toujours ensemble.

Tu avales finalement deux petites jaunes en cachette, tu cesses lentement de parler tout le temps, toujours trop vite, de rien qui vaille.

Elle part toute belle danser en ville. Tu l’aimes tellement, tu n’as plus si froid.

Tout va bien.

Un enfant chaud, ton fils, collé au corps.

Tu dors.

F.B.


À propos de Robert Lowell – Robert Traill Spence Lowell est né le 1er mars 1917 à Boston, fils d’un officier de marine et appartenant à une éminente famille dont les racines plongent jusqu’aux Pilgrim Fathers. Objecteur de conscience pendant la Seconde guerre mondiale, il sert plusieurs mois dans une prison du Connecticut. Par la suite, il sera un virulent opposant à la guerre contre le Vietnam. En 1940, il épouse la romancière Jean Stafford (1915-1979), dont il divorce en 1948, et épouse l’année suivante la romancière et critique Elizabeth Hardwick (1916-2007), dont il aura une fille, Harriet, née en 1957. Maniacodépressif, il effectue de nombreux séjours en hôpital psychiatrique. Il est l’auteur d’une douzaine de recueils, dont Lord Weary’s Castle, qui lui vaut le prix Pulitzer de poésie en 1947 et The Dolphin, qui lui vaut un second prix Pulitzer en 1974.


La mort nique

Pas de longue robe noire

De cagoule, de faux bien aiguisée

Garrochées au bout de ses bras

Son char est parké

Sur le bord du chemin

Dans le gros soleil

Un désert de sable

Des running shoes sales dans les pieds

Pas de bas

Pas de brassière

Assise les fesses sur le top du char

Brûlant

Des grandes jambes

Des belles cuisses cuivrées

Mollets à faire suer

Les running accotés sur les poignées de porte

Pas de pantalon

Une bobette minuscule

Blanche avec des étoiles bleues

Un t-shirt trop petit

Blanc sale

Pas mal en haut du nombril

Pas de manche

Pas de col

Seins libres

Le dos bien droit

Ses seins, cibole

Ses deux mains pendent entre ses deux jambes

Des grosses barniques de soleil roses

La tresse française à moitié défaite

Trahit la direction du vent chaud

Rousse

Brûlante

Un grain de beauté sur la babine d’en haut

Une grosse chiquée de gomme

Une grosse balloune qui s’enfle lentement

Sort de ses lèvres comme un sexe

Sur sa face nonchalante

Touche son nez

Explose

Elle bave le paysage

Regarde droit en avant

La terre entière

Grimace méprisante

La mort nique

Une salope

Sur un top de char

Dans le fond du coffre

Pas de bagage

Aucun jack

Pas de spare

Aucun remord

J’espère

Juste…

un corps mort.


Dans mes recherches pour trouver les fondements incontestables de complots célèbres, je suis tombé sur ceci. La seule photographie connue à ce jour de Pet et Répète avant le triste événement.

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Pensées matinales ramassées dans la rosée des petites choses.

L’originalité n’existe pas, disait un critique d’art que j’ai bien connu, ce n’est qu’un manque de référence ou un abus de prétention.

Les créateurs pêchent tous dans les eaux du même néant et peuvent donc, pourquoi pas, en ramener de semblables prises parfois. Les idées flottent toutes comme des volutes gazeuses dans l’atmosphère de la planète pensée. Si on pense être l’auteur d’une seule idée, on nage dans la prétention, un océan de prétention, tant qu’on n’aura pas vu, lu ou écouté tout ce qui est consigné sur le sujet depuis les aurores de l’intelligence humaine.

Modestie, de grâce.

Humilité pour ceux qui aiment mieux souffrir.

La bonne disposition pour entreprendre la soixantaine, oublier la notion d’originalité, se foutre carrément d’être ou ne pas être comme tout le monde, comme personne ou con comme pas un. Voilà.

En abandonnant les prétentions de singularité, d’originalité, je découvre un territoire inconnu comme un explorateur, un Christophe Colomb de pacotille et comme lui je découvre en croyant me rendre complètement ailleurs que là où les cartes me prédestinaient. Là où les parfums d’épice obnubilent la pensée comme parfums de femmes.

Sur le long du chemin, je ramasse en bonus des souvenirs intacts comme si le temps n’avait eu aucune prise sur eux, nettoyés par l’abandon des illusions, polis par un regard nouveau.


Alma m’atterre

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Elle était timide, toute candide, dix-douze ans et belle enfant. Ma première visite à vie à Alma pour voir un mort, des funérailles. Elle avait tout de suite senti que je n’étais pas de la région, un étranger, le vague cousin d’on-ne-sait-qui, nouveau conjoint d’une ancienne matante, quoi d’autre encore, les hypothèses défilaient dans sa tête. Assurément quelqu’un de Montréal, de la grande ville avait-elle jugé. À l’accent.

Comme si elle m’avait choisi dans la foule bigarrée. Elle n’avait probablement vu aucune malice en moi, avait décidé de prendre une chance avec son intuition. La chose la chicotait depuis trop longtemps. Il fallait qu’elle demande à quelqu’un qui venait de loin. Elle attend que je sois coincé entre nulle part et personne, s’approche direct et me demande du tac au tac, toute gênée:

-À cause que ça se dit pas “à cause”, là, tu l’sais-tu, toé?

Son regard à lui seul valait un poème. J’observe encore un petit moment ses yeux d’enfant qui imploraient, j’étais un peu ébaubi mais tombé sous son charme, totalement.

Mais je ne sais trop quoi lui répondre.

À cause que je sais pas pourquoi.


Antigone with the wind

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Pièce déconfinante en un seul acte

ANTICORPS

Tiens ma bière, Ismène ma soeur, je pars en mission tuer en toi ce vil virus et toute son armée dans tous les confins de ton pauvre corps.

ISMÈNE

Va, je cède à ta force, je n’ai rien à gagner à me rebeller.

ANTICORPS

Il y a une chose qui m’importe avant tout ma soeur : sauver ta peau. Et souishhh et souishhh. (bruits d’épée)

ISMÈNE

Ayoye, ciboire, c’est mon poumon que tu attaques !

ANTICORPS

Corps étranger, créature dégoûtante, j’en appelle à la guerre, la mort est ton seul destin.

ISMÈNE

Ben voyons donc, c’est mon poumon que tu picoches, ça fait mal, tabarnak!

ANTICORPS

Je tuerai pour toi ce virus, je le découronnerai sans la moindre pitié.

ISMÈNE (à boutte)

Ouch, mon poumon . . . ARRÊTE ! . . . j’étouffe

ANTICORPS (plus emballé que jamais)

Oui ma soeur, regarde-moi bien aller, j’annihilerai la bête partout dans tous les confins de ton corps frêle et chétif et souishhh et souishhh (bruits d’épée).

ISMÈNE (qui n’en mène pas large)

Ayoye, ça suffit!

Slack dans mes confins pis déconfine d’icitte, innocent!

Rideau.


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La dernière vague

Capture d’écran, le 2020-11-18 à 12.20.30

Après la dernière vague de brumes vertes, le nain de jardin de madame Cooper avait été la première victime. Lorsque monsieur Cooper lui avait offert, elle en était tellement fière. Elle le montrait à tout le monde. Puis elle l’avait lentement oublié, négligé. La mousse avait lentement envahi ses replis. Ce matin-là, une épaisse couche de coquillages était apparue dessus, comme des moules miniatures, rigides et soudées les unes sur les autres formant une carapace épaisse et indestructible sur le pauvre nain.

Un coquillage est apparu sur mon mollet, je l’ai arraché.

Les gens parlaient d’une nature vengeresse. Portes, tiroirs pris d’assaut qui n’ouvraient plus. Des heures, tous les jours, à débarrasser au ciseau à froid les objets usuels qui perdaient définitivement leur bel aspect d’origine, blessés par les coups et tachés par les résidus. Les maisons toujours sombres, les vitres envahies.

Il en repoussait toujours d’autres là où mon mollet avait été frappé. Ça saignait quand je les arrachais.

Et l’odeur, forte odeur de cuisine lorsqu’on vient de frire du poisson, comme une demi-tonne de poisson pas frais.

Impossible maintenant de m’en débarrasser, mes doigts prennent en pain, le crayon prisonnier dedans incapable d’écr


Chaque bonne nouvelle est un roman gaspillé. – F.B.

Flying Bum

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Tharèse, je t’aime!

Tharèse, c’est toé mon beubé,

J’t’oublierai jama.