Si on pouvait extraire une seule gouttelette d’intelligence par opinion élaborée ces jours-ci –jours de pandémie– sur les réseaux so-so par tous ces salomés à peine sevrés en manque chronique de se faire botter les fesses vertement, on sentirait trembler la terre emportée par tous les regrettés grands penseurs de l’histoire de l’humanité qui se retourneraient top synchro dans leur bière sous terre. En autant que la terre soit toujours ronde, ce qu’une faction hypermétropique de ces nouveaux génies à clavier nie catégoriquement. Avoir tant de claviers, si peu savoir écrire. Sa ses tes poux vantables.
La pandémie bat son plein et ces grandes plumes battent des records d’ineptie. L’une d’entre elles consiste à jeter tout le blâme de la gestion de la crise sur les boomers qui occupent encore les sièges du pouvoir politique comme si personne n’était au courant qu’on avait depuis longtemps remplacé toutes ces races d’animaux politiques par des histrions de théâtre de boulevard*. (Faites vos recherches, maintenant, allez.) Dans vingt ans viendra la relève puisée à même vos contemporains abandonnés à leurs consoles de jeu par leurs éducateurs, politisés sur Instagram, télé-éduqués sur écran à la va-vite par des mères épuisées et désabusées dans le café noir desquelles on retrouve plus souvent qu’autrement quelque spiritueux bien assorti à la mouture. Faut se réinventer dit-on, bravo pauvres mamans. Vous m’en donnerez des nouvelles dans vingt ans des bêtes de politique qui régneront alors sur vos semblables.
Je joins très rarement ma voix à la belle armée des petits va-t-en-guerre qui se lèvent et qui s’excitent à la moindre disruption de leur confort élémentaire. Leur éducation est passée hélas très vite sur la façon de co-exister pacifiquement avec la contradiction. Tout ce qui retrousse au-dessus de leur capacité d’analyse (ce qui se compte en millimètres) ne peut que devenir complot pédophile, satanique et liberticide. Cette agitation frénétique sur vos fauteuils d’ordinateur ne serait-elle pas plutôt due à une infestation de vers au derrière? Vérifiez donc. En ces temps de confinement il se libère du temps pour le repli sur soi, la réflexion qui est le retour de la pensée sur elle-même tant soit-il qu’on se rappelle ce qu’est la pensée. Faites vos recherches; la pensée c’est, entre autres choses, le temps de silence nécessaire qui vient avant l’expression d’une idée. Sinon, la parole n’est plus qu’un bruit et si le bruit devient votre seule expression, votre objectif unique ou votre plaisir secret, je vous suggérerais d’essayer les souliers à claquettes.
Si tout semble ici me faire chier, gâtez-vous allègrement sur le boomer que je suis, accusez l’âge maintenant respectable de mon transit intestinal ou l’imperméabilité de mon cerveau aux idées nouvelles. Il n’y a plus rien de nouveau sous le soleil depuis belle lurette, oncques ne vit-on modernité plus endormante que celle-ci et seuls les becs blancs et les blancs becs se laissent encore berner par le parfait substitut aux idées nouvelles, la saveur du jour. La bébelle comme l’idée nouvelle. Le nouveau est maintenant mon suspect numéro un, vient en paquet économique de quatre, sort des versions de lui-même à une folle vitesse à quatre chiffres passé le point et quatre fois plus dispendieuse, programmée pour s’auto-détruire à l’échéance prévue que je vous souhaite sincèrement plus éloignée que le dernier versement.
Et les culs-bénis auto-proclamés, colporteurs d’eau de Lourdes en joli flacon recyclable, sacrez-moi patience avec votre spiritualité. Celle des bâillonneurs de femmes, des prêtres pédophiles, des papes-pimps du rap, des adorateurs de passoires à spaghetti un coup parti. Que nous restera-t-il alors pour égaliser comme il faut nos humeurs dans les deux hémisphères de notre cerveau? Sur quoi se rabattre pour susciter l’espoir? Comment évoquer la réalité de toutes choses de façon créatrice ou d’interpréter le réel pour en extirper l’essence de ce qui est nouveau, évolué, un monde à faire naître dans un univers qui lui est propre à travers autre chose que les opinions vomitives tout azimut des réseaux so-so? Y’en a ras-le-bol, là, de l’amère gamelle d’opinions qui ne résolvent pas davantage qu’elles n’éclairent.
L’idée géniale n’a pas d’âge ni de date d’expiration, aucun rapport avec la modernité. La seule modernité encore capable d’humanité, l’arme qui reste dans l’arsenal des gens capables de penser, de ressentir des émotions et des sentiments, je vous le donne en mille, c’est la poésie. La capacité et la sensibilité poétiques en parfaite synchronicité avec la vie pérenne, capable de propulser la race dans le temps, de sauver la planète. Poésie, pensez-y. Faites vos recherches pour saisir toute l’ampleur du mot. Bon, encore un hostie de poète, direz-vous. Depuis des siècles, des quidams autant que leurs charmantes compagnes et leurs mignons rejetons, bien avant nous, s’y sont formés l’esprit à la pensée intelligente. L’esprit humain n’a plus les moyens de sacrifier les opportunités de s’améliorer. Alors si vous me permettez, je conclue ici cette montée de laids et je retourne vers elle, serein.
Excusez-là.
Flying Bum
*mots de Patrick Blanchon, qui m’inspire très souvent.