Des choses qui étaient éparpillées ici et là, que je regroupe ici pour ne pas les perdre.
“Mais quelquefois tout ce que j’écris à travers la lucarne de mes yeux râpés ressemble à un instantané, sinistre, rapide, criard, intensifié par sa propre vie, paralysé dans sa triste vérité. Tout est mésalliance. Mais encore, pourquoi ne pas dire ce qui s’est passé?”
― Robert Lowell, Day by Day, (traduction de moi)
En équilibre, étourdi.
Fildefériste mal chaussé, mal barré, un câble tendu sur la vallée noire des sombres desseins qui m’attendent en bas.
Personne ne sauvera plus personne, c’est la raison pour laquelle j’écris, le crayon bien serré dans mes doigts exsangues.
Comme on serre un tronc d’arbre dans nos bras, qu’on s’accroche à sa force immuable; qu’on entend se lever les gémissements, les cris, la tempête.
Que le plomb craque au bout du crayon.
Qu’on veut retourner se crisser dans la neige d’hiver.
Sur le dos faire des anges.
Descendre dans la glaise d’été douce et chaude, se laisser gober par elle.
Je prenais quatre, six, huit bains le même jour avec des feuilles mortes, des sels et des cailloux magiques pour la retrouver.
Tenter la réunion comme un enfant pousse de ses petits doigts l’Amérique du Sud sur l’Afrique convaincu que ça va encore et toujours ensemble.
Tu avales finalement deux petites jaunes en cachette, tu cesses lentement de parler tout le temps, toujours trop vite, de rien qui vaille.
Elle part toute belle danser en ville. Tu l’aimes tellement, tu n’as plus si froid.
Tout va bien.
Un enfant chaud, ton fils, collé au corps.
Tu dors.
F.B.

À propos de Robert Lowell – Robert Traill Spence Lowell est né le 1er mars 1917 à Boston, fils d’un officier de marine et appartenant à une éminente famille dont les racines plongent jusqu’aux Pilgrim Fathers. Objecteur de conscience pendant la Seconde guerre mondiale, il sert plusieurs mois dans une prison du Connecticut. Par la suite, il sera un virulent opposant à la guerre contre le Vietnam. En 1940, il épouse la romancière Jean Stafford (1915-1979), dont il divorce en 1948, et épouse l’année suivante la romancière et critique Elizabeth Hardwick (1916-2007), dont il aura une fille, Harriet, née en 1957. Maniacodépressif, il effectue de nombreux séjours en hôpital psychiatrique. Il est l’auteur d’une douzaine de recueils, dont Lord Weary’s Castle, qui lui vaut le prix Pulitzer de poésie en 1947 et The Dolphin, qui lui vaut un second prix Pulitzer en 1974.

La mort nique
Pas de longue robe noire
De cagoule, de faux bien aiguisée
Garrochées au bout de ses bras
Son char est parké
Sur le bord du chemin
Dans le gros soleil
Un désert de sable
Des running shoes sales dans les pieds
Pas de bas
Pas de brassière
Assise les fesses sur le top du char
Brûlant
Des grandes jambes
Des belles cuisses cuivrées
Mollets à faire suer
Les running accotés sur les poignées de porte
Pas de pantalon
Une bobette minuscule
Blanche avec des étoiles bleues
Un t-shirt trop petit
Blanc sale
Pas mal en haut du nombril
Pas de manche
Pas de col
Seins libres
Le dos bien droit
Ses seins, cibole
Ses deux mains pendent entre ses deux jambes
Des grosses barniques de soleil roses
La tresse française à moitié défaite
Trahit la direction du vent chaud
Rousse
Brûlante
Un grain de beauté sur la babine d’en haut
Une grosse chiquée de gomme
Une grosse balloune qui s’enfle lentement
Sort de ses lèvres comme un sexe
Sur sa face nonchalante
Touche son nez
Explose
Elle bave le paysage
Regarde droit en avant
La terre entière
Grimace méprisante
La mort nique
Une salope
Sur un top de char
Dans le fond du coffre
Pas de bagage
Aucun jack
Pas de spare
Aucun remord
J’espère
Juste…
un corps mort.

Pensées matinales ramassées dans la rosée des petites choses.
L’originalité n’existe pas, disait un critique d’art que j’ai bien connu, ce n’est qu’un manque de référence ou un abus de prétention.
Les créateurs pêchent tous dans les eaux du même néant et peuvent donc, pourquoi pas, en ramener de semblables prises parfois. Les idées flottent toutes comme des volutes gazeuses dans l’atmosphère de la planète pensée. Si on pense être l’auteur d’une seule idée, on nage dans la prétention, un océan de prétention, tant qu’on n’aura pas vu, lu ou écouté tout ce qui est consigné sur le sujet depuis les aurores de l’intelligence humaine.
Modestie, de grâce.
Humilité pour ceux qui aiment mieux souffrir.
La bonne disposition pour entreprendre la soixantaine, oublier la notion d’originalité, se foutre carrément d’être ou ne pas être comme tout le monde, comme personne ou con comme pas un. Voilà.
En abandonnant les prétentions de singularité, d’originalité, je découvre un territoire inconnu comme un explorateur, un Christophe Colomb de pacotille et comme lui je découvre en croyant me rendre complètement ailleurs que là où les cartes me prédestinaient. Là où les parfums d’épice obnubilent la pensée comme parfums de femmes.
Sur le long du chemin, je ramasse en bonus des souvenirs intacts comme si le temps n’avait eu aucune prise sur eux, nettoyés par l’abandon des illusions, polis par un regard nouveau.
Alma m’atterre
Elle était timide, toute candide, dix-douze ans et belle enfant. Ma première visite à vie à Alma pour voir un mort, des funérailles. Elle avait tout de suite senti que je n’étais pas de la région, un étranger, le vague cousin d’on-ne-sait-qui, nouveau conjoint d’une ancienne matante, quoi d’autre encore, les hypothèses défilaient dans sa tête. Assurément quelqu’un de Montréal, de la grande ville avait-elle jugé. À l’accent.
Comme si elle m’avait choisi dans la foule bigarrée. Elle n’avait probablement vu aucune malice en moi, avait décidé de prendre une chance avec son intuition. La chose la chicotait depuis trop longtemps. Il fallait qu’elle demande à quelqu’un qui venait de loin. Elle attend que je sois coincé entre nulle part et personne, s’approche direct et me demande du tac au tac, toute gênée:
-À cause que ça se dit pas “à cause”, là, tu l’sais-tu, toé?
Son regard à lui seul valait un poème. J’observe encore un petit moment ses yeux d’enfant qui imploraient, j’étais un peu ébaubi mais tombé sous son charme, totalement.
Mais je ne sais trop quoi lui répondre.
À cause que je sais pas pourquoi.
Antigone with the wind
Pièce déconfinante en un seul acte
ANTICORPS
Tiens ma bière, Ismène ma soeur, je pars en mission tuer en toi ce vil virus et toute son armée dans tous les confins de ton pauvre corps.
ISMÈNE
Va, je cède à ta force, je n’ai rien à gagner à me rebeller.
ANTICORPS
Il y a une chose qui m’importe avant tout ma soeur : sauver ta peau. Et souishhh et souishhh. (bruits d’épée)
ISMÈNE
Ayoye, ciboire, c’est mon poumon que tu attaques !
ANTICORPS
Corps étranger, créature dégoûtante, j’en appelle à la guerre, la mort est ton seul destin.
ISMÈNE
Ben voyons donc, c’est mon poumon que tu picoches, ça fait mal, tabarnak!
ANTICORPS
Je tuerai pour toi ce virus, je le découronnerai sans la moindre pitié.
ISMÈNE (à boutte)
Ouch, mon poumon . . . ARRÊTE ! . . . j’étouffe
ANTICORPS (plus emballé que jamais)
Oui ma soeur, regarde-moi bien aller, j’annihilerai la bête partout dans tous les confins de ton corps frêle et chétif et souishhh et souishhh (bruits d’épée).
ISMÈNE (qui n’en mène pas large)
Ayoye, ça suffit!
Slack dans mes confins pis déconfine d’icitte, innocent!
Rideau.
La dernière vague
Après la dernière vague de brumes vertes, le nain de jardin de madame Cooper avait été la première victime. Lorsque monsieur Cooper lui avait offert, elle en était tellement fière. Elle le montrait à tout le monde. Puis elle l’avait lentement oublié, négligé. La mousse avait lentement envahi ses replis. Ce matin-là, une épaisse couche de coquillages était apparue dessus, comme des moules miniatures, rigides et soudées les unes sur les autres formant une carapace épaisse et indestructible sur le pauvre nain.
Un coquillage est apparu sur mon mollet, je l’ai arraché.
Les gens parlaient d’une nature vengeresse. Portes, tiroirs pris d’assaut qui n’ouvraient plus. Des heures, tous les jours, à débarrasser au ciseau à froid les objets usuels qui perdaient définitivement leur bel aspect d’origine, blessés par les coups et tachés par les résidus. Les maisons toujours sombres, les vitres envahies.
Il en repoussait toujours d’autres là où mon mollet avait été frappé. Ça saignait quand je les arrachais.
Et l’odeur, forte odeur de cuisine lorsqu’on vient de frire du poisson, comme une demi-tonne de poisson pas frais.
Impossible maintenant de m’en débarrasser, mes doigts prennent en pain, le crayon prisonnier dedans incapable d’écr
Chaque bonne nouvelle est un roman gaspillé. – F.B.
Flying Bum
Tharèse, je t’aime!
Tharèse, c’est toé mon beubé,
J’t’oublierai jama.
Avant de continuer… (j’vais revenir)… je trouvais ta traduction tellement belle que je suis allée voir la phrase originale de Robert L. Je suis entre autres ébaubie que t’aies traduit « threadbare art » par « la lucarne de mes yeux rapés »… ayoye, c’est beau j’trouve.
Ensuite, le passage qui suit qui finit par FB… c’est qui, c’est quoi, FB?… non, attends, je viens de comprendre, c’est le bum.
…
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en fait, ce passage-là aussi, ayoye… c’est d’la mauzusse de belle poésie… c’est pour ça que je voulais savoir c’était qui FB.
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Là poésie ça doit être traduit avec les émois autant qu’avec des mots, je crois. En latin, trahir et traduire c’est le même exact verbe.
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En tous cas, t’as trouvé là un maudit
beau coin des eaux du même néant…
Autrement dit, j’m’incline, câline…
pourquoi? … à cause…
de toutt’… toutt’ça en haut là…
ta poésie… qui m’a fait penser ici à celle de Brautigan…
(j’espère que tu prends ça comme un compliment)
ton ti-boutte sur l’écrivain solitaire en bécycle, les pieds nus en hiver…
la mourue qui nique, pis la fille d’Alma, pis le virus théâtral, pis le coquillage… et tsé tes rats…
tu voulais achever quelqu’un ou quoi?
En tout cas, au risque de me répéter comme tes chaloupiers,
je trouve que vous écrivez bien monsieur.
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Le mélange (ramassis) peut se faire indigeste mais un gros merci pour l’effort de lecture. Je suis (woups) il est en raquettes et en vélo l’innocent solitaire. Mais de là à l’appeler un écrivain, il y a loin de la bouche au lièvre ;~}
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Je remonte dans la file pas mécontent de trouver des textes inédits ( traduire pas vus pas lus) t’as un p’tit côté cochon truffier aussi j’ m’aperçois 😉
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Ah ces foutus artistes !
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