Gougoule-moi un mouton

Moi-même, comme une habitude ridicule, je dis souvent à ma douce: “Gougoule-moé donc ça.” À mon corps défenfant, en voiture je n’ai pas le droit de le faire moi-même, sinon je n’ai qu’à me justifier en lui disant que mes lunettes sont loin. Ce fameux engin dont le dictionnaire nous propose machin comme synonyme et membre viril dans la catégorie du langage familier est devenu pour l’humain et sa douce le dépositaire de toute la science du monde. Google est le plus célèbre engin mais si vous cherchez bien (sur Google!?!), il en existe une bonne vingtaine d’autres. Sans eux, tout le savoir du monde ne serait plus qu’une botte de foin virtuelle aux dimensions galactiques dans laquelle il nous serait carrément impossible de trouver la moindre aiguille ni même de savoir quoi faire avec un coup la dite aiguille trouvée.

LOUPE

Aspect pratico-pratique de la chose, nous n’avons plus à époussetter ou pire à déplacer ces immenses encyclopédies en six mille tomes que nos parents achetaient jadis, à bout de résistance face aux colporteurs tenaces et maléfiques dont les pieds empêchaient les portes de nos chaumières de se refermer et que les enfants en mal d’images finissaient toujours par taillader gaiement, les livres pas les colporteurs évidemment. En passant, ils ne les brûleront pas finalement tous les livres, ils vont juste les numériser.

Assez curieusement, les engins de recherche ne fournissent pas vraiment eux-mêmes les réponses à toutes nos questions. Ils sont un peu comme ces bons vieux receleurs de taverne d’une autre époque généralement connus sous le nom de Gérald qui, lorsqu’ils n’avaient pas sous la main ce dont vous aviez besoin, connaissaient toujours un gars qui connaissait un gars qui l’avait. Et Gérald se faisait toujours un plaisir de nous l’apporter à la taverne le lendemain moyennant un petit quelque chose pour son “trouble” en nous spécifiant longuement qu’à ce prix-là ça venait comme ça, pas de retour de marchandises possible. Les engins de recherche se gardent donc une petite gêne parce que s’ils nous fournissaient eux-mêmes la réponse, ils seraient les premiers à blâmer si les choses se mettaient à chier. Alors, ils vous réfèrent à d’autres sources sans se mouiller.

Gérald, Google, pareil.

Il est clair que nous sommes sur un bon engin de recherche quand celui-ci nous renvoie à des tonnes de résultats en un temps record, que ces résultats sont savamment classés par pertinence, par popularité ou odieusement passés devant tout le monde dans la file en échange d’une enveloppe brune (commandite). On dirait qu’ils veulent nous en mettre plein la face et veulent qu’on lance nos bras en l’air d’extase. Ils ne s’attendent pas vraiment à ce qu’on consulte tous ces résultats. Juste nous jeter à terre avec la magnificience de leur savoir et de leur efficacité. Mpfff. Poudre aux yeux.

Les nouveaux rois de la montagne seront ceux qui auront la grâce de se retrouver sur la première page de résultats, tout le reste est désormais déclaré nul et non avenu ne dégageant que des odeurs d’impertinence totale, voire de suspicion. Creuser plus loin que la une risque d’aspirer le chercheur trop zélé dans les abysses de la connaissance. Heureusement, une simple mathématique nous protège contre l’éventualité de tomber jusqu’au fond de ces horribles choses que sont les connaissances. Par exemple, pour faire la démonstration qu’ils savent très bien qu’on ne consultera jamais tous les résultats, j’ai gougoulé le mot recherche (tiens, un pléonasme, vicieux?).

recherche.jpg

En 0,53 secondes, 990 000 000 résultats sont apparus pour ce mot!

En visitant ces 990 000 000 sites, disons, à 10 secondes par site, il vous faudrait 2 750 000 heures pour faire le tour complet. Ou environ 3 820 mois. Ou environ 318 années. Si nous nous reproduisions à un rythme d’une génération aux 25 ans, notre douzième génération de descendants verrait le bout de la recherche, tant soit-il qu’un descendant par génération y consacre toute sa vie.

Un peu pour ça que je demande tout le temps à ma douce de me gougouler des choses, le temps m’est trop précieux. Je n’ai jamais même pris le temps de lire Saint-Éxupéry autrement que diagonalement.

Chérie, gougoule-moé donc ça, s’il te plaît: Le mouton a-t-il oui ou non mangé la fleur?

On va en avoir le coeur net.

Flying Bum

pieds-ailes

 

Une réflexion sur “Gougoule-moi un mouton

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