J’ai eu la chance de ne jamais en avoir, une chance que Susanna n’en espérait pas moins.
Trop jeune, elle aimait beaucoup trop les hommes. Elle fumait beaucoup trop de thaï stick. Voulant se jeter sur les rails, elle avait tout confondu et à marée basse s’était échouée à deux pieds du quai dans six pouces de vase.
Trois rêveurs partis conquérir le monde stoppés brutalement par l’immensité du Pacifique se trouvaient là.
Nous l’avions ramené dans la cabane que nous prêtait un riche villégiateur en échange de nos bras. Elle avait troqué son corps maigrichon contre une pleine barge d’illusions dompée sur elle par un beau touriste de passage et elle portait maintenant son enfant.
Nous l’avions nourri, dorloté. Après un temps, elle nous avait pondu un garçon minuscule qu’on avait tendrement baptisé l’échalote. Elle lui avait donné nos trois prénoms en signe d’affection. Puis un jour un bel hindou nous l’avait volée.
Quelques nouvelles de Susanna étaient venues sporadiquement puis plus rien. Les rêveurs étaient maintenant rentrés chacun chez eux.
Sauf un.
Pauvre Tristan, resté là, tous les soirs sur le quai à attendre le retour de Susanna.
Flying Bum

Texte publié sur À 190 mots de distance : défi littéraire collectif, contraintes: le thème qui doit être Le retour, la première phrase doit commencer par J’ai eu la chance de ne jamais en avoir, nombre de mots maximum 190.
La belle grosse vase pis les rêveurs,
pis tout c’qui en finit pu d’être là.
Su’l quai ou ailleurs.
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