Dialogue de sourdes gourdes

Défi littéraire – L’Agenda Ironique d’avril.

 


–Je ne sais pas pourquoi, je voulais me perdre, je crois. Ce serait long à raconter.

–Cause toujours tu m’intéresses (je me demande ce qui arrivera en premier, bailler ou brailler).

–J’ai quitté la ferme. J’ai conduit jusqu’à ce que je voie l’immense Chop Suey qui brillait dans l’ombre du soir au beau milieu de ce petit bourg perdu. Je me suis arrêtée ici, j’ai pris une table et j’ai demandé au serveur combien de gens vivaient ici, dans ce trou. Il m’a observée longuement puis il m’a dit, hé bien tout dépend, qu’est-ce que vous buvez? Bière blonde, une Leffe ça ferait l’affaire, que je lui ai répondu. Il me l’a versée, il m’a observée porter le verre à mes lèvres puis il m’a dit 37 maintenant, je crois bien. Il est retourné derrière son bar où il a effacé le 36 sur l’ardoise pour le remplacer par un 37.

–Et quel rapport avec le chop suey? Je ne peux supporter le chop suey ça me constipe toujours, depuis ce jour…

–Ce n’est que le nom du bar, t’inquiètes. Jeu de mots douteux pour les anglos sûrement. Je ne les ai jamais vus en servir. Je n’ai pas bougé d’ici pendant 6 jours; le couple derrière est en cire, comme au Grévin, t’as vu? J’ai dormi sur la banquette d’une cabine et je me lavais à la va-vite dans les salles de bain derrière. Rafraîchir serait le terme juste.

–J’avais le coeur totalement en miettes, une sale affaire de coeur, j’avais dévoré un plein bol de chop suey taille jumbo. Après, j’étais incapable de chier. Il devait bien être deux heures du matin.

–Il m’appelait par le nom de mon breuvage, mademoiselle Leffe, ou disait-il mademoiselle F.? Quelquefois on apportait d’autres clients en cire qu’on répartissait dans le bar, quelquefois un vrai client prenait place mais la plupart du temps j’étais seule. Seule au Chop Suey avec le barman.

–Je pouvais ressentir toute cette merde, dure, concentrée en boulettes, là-dedans. Plein le rectum. Mais rien ne voulait sortir de là. Rien. Le mal de ventre, je ne te dis pas.

–Puis, dimanche, le barman m’a appelée au bar pour me dire que je ne pouvais pas rester pour la nuit. Nous fermons les lundis, avait-il platement dit. Et il avait l’air triste de devoir me l’apprendre.

–Je regardais une photographie des seins de Britney Spears dans un magazine assise sur le trône. J’ai enveloppé mon majeur dans une lingette humide et je l’ai inséré dans mon cul. J’ai fait un tour de reconnaissance avant de localiser quelques petites boules de merde rigides que j’ai tirées de là comme j’ai pu. À la guerre comme à la guerre!

–À minuit, il a refermé la porte derrière moi et pour la première fois en près d’une semaine, je me suis retrouvée dehors, debout sur le trottoir, désemparée. J’ai regardé à travers la vitre de la porte. Le barman passait consciencieusement un linge humide sur l’ardoise faisant disparaître complètement un 29. Il a pris une craie puis il a tracé un 28 au milieu de l’ardoise impeccable. Je ne me suis jamais sentie aussi rejetée de toute ma vie.

–Je souffrais ma vie. J’ai pris une autre lingette humide et j’ai recommencé le manège. Je pouvais sentir mon rectum lentement relaxer puis, d’autre merde qui semblait prête à descendre par elle-même, sans que je n’aie à la tirer de là moi-même. Juste l’aider un peu avec mes sphincters. Eureka! J’avais encore le coeur totalement en miettes, l’anus en feu, une sale affaire de coeur, mais je pouvais maintenant chier gaiment.

–Quelle merde, j’ai retrouvé ma voiture le pare-brise à ras bord de contraventions. J’ai roulé et roulé. Dans des chemins de terre poussiéreux, à travers des labyrinthes de maïs, de longs tunnels sous des processions de saules centenaires et j’ai fini par retrouver mon chemin vers la ferme, va savoir comment.

–Britney Spears a le nom de quelqu’un tatoué sous le galbe de son sein gauche. J’étais incapable de lire correctement. Ses seins tombent un peu maintenant, ma foi. Il me semble bien que ça commence par J, Jesse ou Justin ou Jamey, peut-être? J’ai un petit perroquet moi-même, tatoué sur les côtes sous le sein gauche mais mon ex petit copain ne s’appelait pas perroquet ou père Roquet ni Pierre Hoquet.

–Tous ces travailleurs du maïs qui m’haïssent, ces beaux gosses aux fourches qui m’enfourchent quand je m’emmerde, mes propres gosses qui me gossent, leur pervers père vers qui je crie merde, personne ne s’est jamais posé la question. Personne ne s’était demandé où j’étais passée. Il ne sert à rien de chercher, c’est comme le chemin du retour, chercher n’aide en rien. Il s’agit de trouver. Les gens se perdent, c’est tout. Mardi j’y suis revenue, me perdre encore un peu au Chop Suey. Et m’y voilà.

–Je me demande si Britney Spears tolère bien le chop suey. Si ça arrive à Britney Spears d’être constipée parfois. C’est drôle, je la vois écartillée en train de se javelliser le trou du cul au pinceau. Je me l’imagine, il me semble, avec son beau petit trou de cul tout joli, bien rose et tout ferme.

–Et toi, qu’est-ce qui t’emmène ici? Qu’est-ce que tu racontais? Allez, cause, tu m’intéresses.

 


Le Flying Bum

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A l’en-tête : Edward Hopper, chop suey, 1929

Les règles du défi se trouvent ici :

https://constantinescu685249153.blog/2021/04/04/5544/comment-page-1/?unapproved=1111&moderation-hash=12c08705c321f98734f54f5ef352b7a9#comment-1111

9 réflexions sur “Dialogue de sourdes gourdes

  1. Hopper.
    Défi littéraire.
    En tout cas, une chose est claire :
    toi, quand t’écris, tu y vas rarement avec le dos
    de la lingette.
    Bonne fin de semaine, Luc.
    P.-S. Pis juste de même… j’me dis que si Hopper avait peint cette toile en 2021, le gars en arrière-plan aurait sûrement eu les yeux sur son cellulaire..

    Aimé par 1 personne

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