Existences abandonnées

tout jeunes et tout beaux

on mettait le feu à la noirceur

un grand feu de bois, de camp, de joie

proclamant nos existences romantiques

des roses guimauves à s’en lever le coeur

des licornes et des divines liqueurs

vidangeur même se faisait romantique

tout spécialement vidangeur

tellement satisfaisant et spirituel

dans tout le parfum de nos aisselles

jamais dans un vaste espace

fenestré du plancher au plafond

derrière un bureau où il ne se passerait rien

jamais jamais rien

quelques années de cela

c’est là qu’on croyait tous aller

tout ce qu’on espérait mériter

élevés aux patates pilées

aux forçures de bœuf bien hachées

entre une religion bien catholique

et des grands frères beatniks

on mangerait sur un lit de pissenlits du printemps

des œufs de faisans roulés dans le safran

arrosés de ce que le Jura a de plus pétillant

on monterait une vaste organisation

pour réparer un monde en perdition

ou on partirait photographier la misère

on mettrait le nez des autres dedans

on jouerait de la musique pour l’éternité

écrirait des poèmes à s’en écoeurer

et le succès viendrait comme une brûlure

ou une démangeaison envahissante

et même la gloire nous serait méprisable

si nous n’avions pas eu de famille

on irait coucher chez les voisins

ou on essaierait la vie en tribu

nus dans des huttes au Wisconsin

ou dans des grandes piaules à Rouyn

on se baignerait dans des vérités absurdes

on laisserait pousser tous nos poils

et on goûterait à toutes les vulves

on fréquenterait une femme de loin notre aînée

ou une demoiselle beaucoup moins âgée

on goûterait à l’homosexualité rien qu’un été

ou on ferait d’autres folies à lier

là où il neigerait toute l’année

le sexe aurait toujours été bon

nous le savions rien qu’en dansant

sexe d’hôtel avec elles

sexe de cuisine avec une pas fine

un sexe sans âge et sans visage

sexe à la dope qui ferait de nous des nuages

pas tellement penser aux morts

qui viendraient bien assez tôt

d’aussi loin que les étoiles

vêtus de guenilles ou de riches linceuls

de couches de papier d’aluminium

ou de superbes papiers de Noël

coiffés de longs chapeaux ridicules

ils viendraient aussi tels qu’ils sont

sans eux-mêmes apprécier la fin

si d’aventure la mort se présentait

s’invitait à la fête sabordée

on n’aurait qu’à cesser pour de bon

de porter nos ornières de bouffons

on contournerait désormais

ou tous ensemble on ralentirait

on retrouverait nos amis

rechargés dans une nouvelle vie

on se réincarnerait en aigles

en lions ou en beaucerons

et si on n’aimait pas les aigles

ni les lions ni les beaucerons

alors en belles filles

ou en anguilles

et ce serait aussi bon.


Flying Bum

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4 réflexions sur “Existences abandonnées

  1. J’ai failli ne pas lire. C’est qu’en temps normal, je trouve la poésie toujours un peu frimeuse et ennuyeuse. Je suis heureuse de m’être attardée ! Quel texte ! Il pourrait être slamé je trouve 😉

    Aimé par 1 personne

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