Gérald attend sous le porche, un tapon de billets de banque qui a l’air d’un bouquet fané dans son poing fermé. L’automobile qui s’en vient est un vieux trois portes, trois couleurs, jaune moutarde, orange et rouille, un modèle discontinué importé d’une de ces républiques communistes discontinuées de l’Europe de l’est. Toujours fascinant de voir une de ces bagnoles se retrouver aussi loin de chez elle qu’en Abitibi. Creux, en Abitibi. Gérald pouvait entendre le boucan à deux kilomètres, comme un troupeau sauvage de poubelles en métal qui dévaleraient la rue, affolées et se frappant les unes contre les autres. La banquette arrière est recouverte d’une couverture en flanellette d’un carreauté aux couleurs hideuses, probablement pour dissimuler des malpropretés inavouables incrustées dans le recouvrement original de la banquette, Barraute Pizza dit le dôme lumineux en forme d’aile de requin aux couleurs voyantes qui tient de peur au toit par deux bras agrippés tant bien que mal au haut des fenêtres de côté.
Monsieur pizza débarque, renfonçant à la va-vite ses pans de chemise dans ses culottes kaki du surplus de l’armée, la démarche assurée et dandelinante d’un beau blond comme ceux que Gérald voit souvent rôder devant les tables qu’il étale dehors devant sa librairie d’occasion lors des soldes d’été, un bellâtre trop sûr de lui, un look surfer philosophe, un swag d’intello vaguement poète, de bum de bonne famille, une douce insouciance imprimée dans les traits du visage. Gérald a toujours rêvé d’être blond, des fois il met un peu de bleach dans ses cheveux pour voir. Mais monsieur pizza n’a aucun bouquin sous le bras. Pas de pizza non plus. Monsieur pizza porte un regard ébaubi et dédaigneux mais intéressé sur le bouquet de vieux billets fripés que Gérald agite devant lui comme une offrande rituelle ; prends-les, prends-les, prends-les donc. Monsieur pizza hausse les épaules et arrache les billets des mains de Gérald. Il les compte rapidement, les enfonce dans la poche de sa chemise rouge matador là où le logo brodé de Barraute Pizza fait lentement grandir et se répandre une tache de sueur autour de son mamelon gauche. Monsieur pizza descend les quelques marches et s’étend de tout son long sur un des deux ridicules petits morceaux de gazon qui se trouvent de chaque côté de l’escalier, les bras remontés sur la tête pour protéger ses yeux du soleil de plomb.
Gérald lui présente les paumes de ses mains tendues vers le ciel en relevant les épaules, les yeux ronds comme des deux piastres, bouche bée.
–“Ma pizza, elle !?”
–“Quoi, tu viens-tu de dire de quoi?” demande monsieur pizza.
–“Ma pizza, tabarnak!”
Monsieur pizza se redresse sur un coude, sa tête se transforme en périscope, tourne un coup vers l’auto, un coup vers Gérald, un autre coup vers l’auto.
–“Personne ne m’a jamais parlé d’une pizza,” que dit monsieur pizza, son bras libre qui fouille dans sa poche de chemise. Il en sort un porte-nom à épinglette qu’il pique maladroitement en diagonale côté pectoral en sueur.
Gérald descend les marches et s’approche de la chose.
–“Lucie?” lit-il, “bonjour Lucie!” rigole Gérald en se disant qu’à c’t’heure toute se peut.
–“Bien le bonjour monsieur le soi-disant client qui se sent tout escroqué. C’est Lucien mon nom, sa fille s’est trompée et l’italien n’a jamais voulu investir sur une autre stupide épinglette. Ou ils ont peut-être déjà eu une serveuse qui s’appelait Lucie et ils en ont profité pour sauver un peu d’argent.”
–“Pis mon argent à moé, qu’est-ce que tu fais avec mon argent à moé?”
–“Je te l’ai déjà dit, es-tu sourd? Personne ne m’a jamais parlé d’une hostie de pizza extra-large au jambon et aux ananas.”
–“Jambon et ananas?”
–“Extra-large avec tout le tralala?”
–“C’est ma pizza, ça!” conclut Gérald sûr de lui.
–“C’est quoi qu’y se passe icitte là, un fuck’n tribunal d’inquisition, quoi?“ que Lucien gueule, “j’ai une job à faire moi, icitte, oublie pas ça.” Monsieur pizza croise ses bras maigres sur sa poitrine plutôt chenue, monsieur pizza remue et se roule le bassin de gauche à droite, les bras qui lui ballottent mollement de chaque côté du corps, sa tête suit, il lance des regards furtifs vers sa voiture.
–“La beauté c’est rien qu’une hostie de menterie,” se dit Gérald en lui-même.
Gérald se rappellait d’avoir vu aux nouvelles un reportage sur ce modèle de voiture-là en particulier, de sa propension un peu facile à la combustion spontanée, à s’auto-immoler pour aucune raison. Des milliers et des milliers de ces petits trois portes bon marché, pris dans le trafic dans tous les pays de richesse pauvre ou moyenne qui se mettaient à boucaner et jouer à Jeanne d’Arc sur son bûcher d’ordinaire sans plomb en plein milieu de la rue.
–“Je pensais que le gouvernement avait forcé le retrait des bagnoles de même, des petits cercueils ambulants,” dit Gérald sur un ton sarcastique pour tenter de prévenir la fuite de Lucien.
Monsieur pizza est toujours concentré à tenter de calmer les mouvements désarticulés de son corps sur le bord du trottoir. Les expressions sur son visage défilent comme un catalogue de faces de théâtre mélangées.
–“C’était à mon frère, le char. Mon frère le plus vieux entre nous deux, le plus allumé des deux, le plus . . . mort à c’t’heure. Il m’a couché sur son testament. Pas moé, là, ses dernières volontés. En fait c’était une napkin de restaurant gribouillée au Sharpie. Sharpie, faut-tu que je te l’explique ce mot-là? As-tu quelque chose de sarcastique à rajouter par-dessus ça, monsieur jambon-ananas?”
–“Ton frère, y’étais-tu dans le char la première fois qu’il a explosé?” réplique Gérald du tac au tac.
Monsieur pizza cherche sa contenance et pendant ce temps-là ses joues en profitent pour prendre une belle teinte rosée de plus en plus rouge et son corps s’immobilise dans une étrange pose de statue de sel infirme. Son oeil scanne Gérald de la tête aux pieds comme on jauge son agresseur ou l’objet d’un désir coupable.
–“T’es un calvaire de poète, toé, moé aussi j’suis un calvaire de poète, tu sauras.” raconte Lucien toujours paralysé d’une sorte d’apoplexie incontrôlable.
–“Je présume qu’on garroche notre linge où on veut icitte,” dit monsieur pizza qui déjà se débarrassait de sa ceinture en fonçant vers l’appartement de Gérald.
…
Du salon chez Gérald, on peut voir le grand shaft de la vielle mine derrière une rangée d’anciennes maisons de mineurs en papier-brique, toutes de la même couleur avec les finitions peintes en vert bouteille, à travers un store en lamelles jaunies et moins parallèles qu’elles l’avaient déjà été. Mais ça prend toujours un store pour se cacher. Gérald était déjà descendu jusqu’au Woolworth à Val d’Or pour s’en magasiner des nouveaux, une grande surface d’époque aux allures de bazar, aux planchers craquants et qui vendait un peu de tout. Il avait fait exprès pour y aller un mardi matin pour rencontrer le moins de monde possible. Le moins possible de gros machos poilus et musclés de Val d’Or, en fait. Les madames en dusters fleuris multicolores étaient affairées à refaire les étalages lorsque Gérald est entré et à la seule vue de l’alignement désordonné des mannequins de plâtre désarticulés, dénudés et sans tête, c’en était déjà trop pour les globules rouges et l’ensemble des glandes de Gérald, surtaxées par cette vision horrible. Il est reparti sans même manger la pointe de tarte qui le faisait rêver depuis la veille. Il s’est retrouvé sur le trottoir engourdi par l’angoisse. Un peu comme maintenant alors qu’il se tenait devant sa bibliothèque qui semblait un peu moins bien garnie, prenant par coeur l’inventaire de ses livres. Les revues de naturisme avaient été dissimulées ailleurs depuis longtemps, il possédait cependant plusieurs dictionnaires de médecine et des livres d’art, spécialement ceux concernant l’anatomie humaine et aussi un ouvrage étrange sur les rayons cosmiques.
Gérald dans sa robe de chambre en nylon des grands jours époussetait les épines, les reliures et les tablettes consciencieusement lorsque Lucien est sorti de la salle de bains se faisant aller les bras en grands cercles comme un mouvement d’hélices pour achever de se sécher les aisselles.
–“Y’a quelqu’un qui avait le boute collé et qui a pissé de travers, ta bol est toute beurrée d’un côté,” dit Lucien, “ta twoélette,” spécifia-t-il, “pas vraiment hospitalier pour la visite, y’as-tu juste toé qui vit dans cette dompe-là?”
–“C’est rien ça tu devrais voir mon lit, du poil de chat mur à mur.” Gérald n’a pas pu retenir un petit rire étouffé. “Je niaise, là, c’est une joke de chats, j’ai 4 chats, je vis pas tout seul. Je l’avais juste pas vue la coulisse de pisse.”
Monsieur pizza regarde un peu dehors marchant d’une fenêtre à l’autre, il entreprend des yeux la tournée du mobilier de toute évidence acheté aux disciples d’Emmaus.
–“Fa’que t’es juste tu’seul icitte avec quatre chats en train de savourer lentement ta vie, c’est ça? Pas grand’chose à savourer icitte, pauvre toé.”
–“Le petit plâtrier que j’ai fait venir la semaine passée après que le toit ait coulé m’a dit la même chose, c’est drôle,“ dit Gérald pendant que Lucien, le cou cassé, admirait les grandes taches de plâtre bien blanc au plafond, “le gars de la fournaise, lui, il m’a câlissé une volée.”
–“Ton bain avait l’air propre, les chats coucheront dedans, j’endure pas ça dans le lit. Je me lève aux aurores, je prends ma douche le matin et une le soir aussi, alors tu céduleras tes lavements en conséquence. J’aime pas ça le monde qui touche à mon manger alors je vais avoir besoin de mon propre frigidaire barré avec mon propre cadenas. L’italien me laisse ramener les pizzas faites par erreur ou quand des morons réalisent un peu tard qu’ils ont pas assez d’argent pour la payer. Les pizzas et les petits pains à l’ail sont pas là pour être partagés. Je me rappelle pas avoir fait un deal de hippie socialiste utopique avec toé.” La voix de monsieur pizza reprenait son naturel et avait bien monté d’un octave. “Aimerais-tu mieux qu’on mette tout ça par écrit?”
–“Arrête un peu, toé-là–“ entreprend de dire Gérald interrompu brusquement.
Monsieur pizza se retourne promptement et enfonce sans prévenir son index dans le nez de Gérald et pousse fortement vers le haut de son nez.
–“Tu disais quoi, toé là, tu penses-tu que j’ai jamais resté dans un trou comme icitte? Juste parce que j’ai l’air d’un gars aux appétits luxueux? Chu peut-être ben beau mais chu pas si facile à vivre que ça, tu sauras.”
Lucien abandonne l’appendice nasal de Gérald, se retourne et se laisse choir dans les ressorts grinçants du divan de Gérald. Lorsqu’il eut fini de rebondir sur ses fesses, à la vitesse de l’éclair, il capture d’une seule main une grosse mouche à marde qui avait fait l’erreur d’adopter l’appui-bras. Tant pis pour elle.
–“Tu sais où j’ai pris la minoune que j’ai stationnée en avant de chez vous?” demande Lucien.
Gérald s’assoit du bout d’une fesse à l’autre bout, lentement, pour ne pas débalancer le divan bancal ou faire sortir une autre mouche de son trou. “Ton frère, non?”
–“Mon frère, oui mon frère,” Lucien répond-il sur un ton solennel, “mon frère était un homme exceptionnel. Il me battait pis toute jusqu’à ce que je crie au meurtre mais ça ne me dérangeait pas. Il avait une tête hallucinante, des cheveux blancs effayants comme une laine d’acier, pas peignables. Blanc tempête de neige, blanc sainte vierge. Tout le monde capotait sur ses cheveux. Il racontait toutes sortes d’histoires à coucher dehors pour expliquer la pigmentation d’une tête de même. Comme la foudre qui l’aurait frappé sur la tête, ou un mauvais sort jeté par un sorcier maya dans un désert au Mexique. Toute du folklore de gars gelé. Tout le monde écoutait quand il déconnait. Il s’est bleaché lui-même avec du fix dans la chambre noire d’un laboratoire-photo. Débile, hein? Il avait monté sa propre chambre noire qu’il avait baptisée chez Kinski, personne savait c’était qui Kinski par icitte. Il s’est enfoncé toute la câlisse de tête dans le bassin de fix. Il lui a poussé des tumeurs partout dans le front et sur le bord de la tête, jusque dans les oreilles, et ses cheveux ont brûlé pour toujours, les racines attaquées. Un moment donné, il est mort tout seul dans son trou, dans un deux-et-demi d’un vieux bloc à Amos. Tu connais-tu ça le club des 27? La malédiction des 27? Jimi, Janis, Morrison, tous morts à 27 ans. Mon frère avait vingt-six ans et demi. Si près de la gloire. Même pas capable de toffer un autre six mois.”
Lucien relevait lentement la tête révélant des yeux vitreux, humides. Son corps avait lentement envahi l’ensemble du divan miteux. Gérald, ramassé serré sur son racoin de divan minuscule, comptait les trous au plafond oubliés par le petit plâtrier dans son empressement coupable, regardait vaguement les cadavres de mouches séchés entre les châssis doubles. Son regard fuyait monsieur pizza et s’accrochait désespérément à sa bibliothèque.
Monsieur pizza s’était retourné sur le côté, le visage étampé dans le tissu rugueux et poussiéreux, et il a fermé ses yeux.
“–Je le vois encore dans mes rêves ce câlisse-là, je le sens. Ses cheveux sont revenus, mais pas de la même couleur, différents, je m’en rappelle plus de la vraie couleur mais ils puent encore le bleach. Juste des tapes sur la gueule pis toute, ses mains qui se tiennent après mon dos, ça je m’en rappelle en tabarnak.” Lucien repère sur le bras du divan une coccinelle et la prend entre ses deux doigts, lui demande de faire une dernière prière avant de l’écrapoutir sans pitié et de l’envoyer dans l’au-delà.
…
La pénombre règne dans le logement. Les lumières de rue sont éteintes. Gérald s’est réveillé bête dans son lit, les chiffres du radio-réveil changent constamment sur la batterie de secours à cause de la panne électrique. Avant les aurores, Gérald sort dehors à moitié somnambule. Tous les voisins sont sortis voir ce qui se passe comme lui et errent dans la rue semi-comateux, à moitié déshabillés, tiennent tendrement contre eux des séchoirs à cheveux débranchés, des brosses à dents électriques qui ne brossent plus rien. Comme un doux vent de folie qui aurait fait de tous ces gens des êtres soudainement radieux et inoffensifs. Gérald se présente spontanément à tous ces citoyens parmi lesquels il vivait en étranger, caché, depuis toutes ces années. Comme tous les hommes comme lui, toujours cachés. Tout le monde s’est mis à faire des grands plans de bar-b-q entre voisins dans une cour ou dans l’autre, de ventes de garage dans toute la rue. Une pulpeuse demoiselle dans un top en ratine serré avec un épervier tatoué sur une clavicule a même fait de l’œil à Gérald, innocente. Quand l’électricité est revenue, tout le monde est rentré chez lui barrant portes et fenêtres et tous ces gens ne s’étaient jamais reparlés depuis.
Gérald observe la danse des chiffres sur le réveil les yeux dans le vide. Il lève la tête et aperçoit la silhouette dans l’embrasure de la porte. L’homme penche drôlement sur un côté, une épaule sur le cadre de porte pendant qu’il met son pantalon, enfile sa grande chemise rouge qui, assez étrangement, semble lui faire parfaitement maintenant. Il bourre le bas de la chemise dans son pantalon, tire sa ceinture comme s’il tentait de s’étouffer lui-même et tout ça sans jamais quitter des yeux Gérald étendu dans son lit. Aucune joie dans le regard, ni rage. Rien qu’un regard perdu et sans expression. Une main monte vers la poche de sa chemise sortir la liasse de billets fripés et la brandit au bout de son bras autant pour narguer que pour vérifier que tout est encore là.
Les deux hommes fixent l’argent.
–“L’affaire c’est que,“ dit Gérald, “sais-tu quoi? Je pense que je n’ai jamais vraiment commandé de pizza, finalement. Oublie ça. Oublie-moé.”
Lucien fait bruisser les billets baveusement. –“Une excuse de marde, ta pizza, penses-tu que je l’savais pas. Rendu à ton âge, t’as pas fini de payer si tu veux un beau p’tit jeune.”
Il écrase les billets qui retournent rembourrer sa poche de chemise, la bouche tordue et le regard constipé. –“Tu sens-tu ça, l’odeur?” demande monsieur pizza en grimaçant du nez.
–“Non, une odeur de quoi?”
–“Ça me rend malade des fois, la fuck’n odeur de bleach à cheveux, c’est-tu toé qui s’est mis du bleach dans les cheveux, calvaire? Je viens tout pogné de partout par en-dedans, l’estomac plein de nœuds qui veulent me fendre dans le ventre, pis le trou-de-cul me pince pis y m’brûle quand je sens c’t’hostie d’odeur là.”
Comme la sensation du sable sur ma peau, pense Gérald soudainement envahi d’une angoisse profonde. Ça lui faisait la même chose. À cause de ça, jamais plus Gérald n’allait à la plage Rotary l’été, regarder les beaux garçons se dandiner en se lançant des ballons pis des frisbees en petits maillots serrés. Jamais plus depuis que quatre gros baveux de Barraute en goguette l’avaient amené faire un tour de pick-up au pit de sable. Il avait eu de la misère à s’assoir pendant cinq-six jours après ça.
Monsieur pizza déambule le long du long corridor, des craquements de bois sec et le son de ses pas de plus en plus inaudibles à mesure qu’il s’en va.
Gérald entend la longue plainte des gonds de porte, il ne bouge pas de son lit, la porte ne semble pas avoir claqué, il n’a même pas entendu le clic de la serrure. Il s’en contre-fout. Lorsqu’il s’est finalement levé après avoir somnolé une heure ou deux, il est allé voir et la porte était bel et bien fermée comme il faut.
Tout est en place, comme rien ne bouge jamais, rien ne va jamais nulle part d’autre qu’à sa calvaire de place dans ce triste logement si c’est pas Gérald lui-même qui fait bouger les objets. Aucun mouvement, aucun bruit, aucun son. On pourrait entendre une mouche à marde voler. Rien n’a bougé d’une coche dans sa bibliothèque, sur ses meubles de brocante défraîchis, sous les grandes plages de plâtre blanc du plafond, la vaisselle sale reste bien sale à sa place, les mouches à marde mortes entre les châssis doubles n’ont pas grouillé d’un poil.
Gérald, immobile devant la fenêtre, les observe un moment, pauv’tites bêtes. Mais il en vient à penser que ce sont elles qui le dévisagent, avec tout le dédain, comme s’il n’avait pas d’affaire là, comme s’il n’aurait jamais dû être là de sa vie.
Flying Bum
