En préparant le café ce matin, je l’ai vu qui traînait là. Il ramassait la poussière sur le dessus de la machine à espresso, ce petit os spécial de la dinde du jour de l’an, celui que les anglais appellent le wishbone. Je l’avais mis là, par habitude, après avoir désossé la carcasse de la malheureuse bête. Chez nous on le gardait et quand il était bien sec on s’en servait pour déterminer, lorsque nous ne savions plus trop à qui le tour, qui ferait la vaisselle ce soir-là. Le tenant chacun par un bout, on tirait chacun de notre bord et celui qui tirait le plus long morceau se sauvait de la corvée de vaisselle.
En général dans la culture nord-américaine, ce petit os sert à faire des voeux, c’est pour ça que les américains l’ont baptisé wishbone, l’os à voeux. Pour ceux qui en ignorent tous les tenants et aboutissants, ce petit os s’appelle en réalité le furcula de son nom latin qui signifie fourchette en français, à cause de la forme. Et la tradition veut que l’on fasse un voeu et que celui qui tire le plus long bras de la fourchette voit le sien se réaliser et le perdant peut s’en aller gaiment brailler sa vie plus loin.
On ne voit pas automatiquement son voeu se réaliser si on est seul à la maison et qu’on décide de le tirer soi-même par les deux bouts en même temps. Il y a des règles élémentaires à suivre, quand même. Et les plus zélés pensent que seul le furcula de la dinde du nouvel an est magique et que le voeu peut prendre toute l’année pour se réaliser. Mais y a-t-il une date de péremption qui s’applique? Le mien est-il encore bon? À partir de quelle date a-t-on l’air idiot à défier le destin avec un os de dinde? Ce doit être un peu comme déterminer la date précise en janvier où on a l’air complètement à côté de nos pompes quand on persiste à en souhaiter une bonne et heureuse à tout un chacun. Le 2 pour les radicaux, ou le 6, les rois qui marquent la fin de l’histoire? Ou avant le 15, que janvier soit déjà dans sa deuxième moitié?
Sinon, pour les voeux, il va falloir commencer à se rabattre sur les fontaines de centre d’achat, fières descendantes des puits à souhait, y garrocher quelques pièces de monnaie et espérer, rester à l’affût et attendre patiemment le passage d’une étoile filante ou encore le jour de notre anniversaire pour éteindre du même souffle toutes les bougies du gâteau. Quels que soient vos voeux, une chose est certaine, vous devez sélectionner parcimonieusement ceux-ci parce que les occasions sont rares et vous devez absolument garder la nature de vos voeux pour vous, il ne faut jamais le dire, dites-le pas, sinon ils ne se réaliseront JAMAIS, la loi c’est la loi.
Je ne pouvais pas faire mon premier blogue de l’année sans y aller avec des voeux, même si je ne suis pas convaincu que mon os n’est pas passé date. Par les temps qui courent, il y aurait tellement de choses qu’on pourrait espérer pour soi, pour les autres alentour et pour toute la planète, l’humanité, la couleuvre brune, les causes méritoires, les miséreux et les âmes désespérées sont innombrables. Bien difficile dans ces circonstances de faire le bon choix.
Mais savez-vous quoi? Je vais vous confier un petit secret. Dites-le pas. Il n’y a aucun embargo sur les voeux. En réalité, il n’y aucune limite légale, officielle et reconnue au faisage de voeux. Alors, allez-y, garrochez-vous hardiment, voeux-tez, voeux-tez tout ce que vous pouvez voeux-ter, ça ne peut faire aucun mal et ça ne coûte rien en plus. Et savez-vous quoi? Puissent-ils tous se réaliser jusqu’au dernier.
Je vous le souhaite comme je ne vous le dis pas.
Flying Bum