S’il existe comme on le prétend une infinité d’univers, c’est qu’il en existe un en tous points semblable à celui-ci précisément, mais dans lequel vous n’êtes pas en train de lire ce texte, vous vous grattez le derrière. Sur l’infinité d’univers possibles dans la probabilité absolue de la vie, dans ceux de Léon en particulier, dans 1024 de ces univers, Léon entre dans une réunion d’alcooliques anonymes en disant : “Je souhaiterais qu’elle meure alors je m’épargnerais tout le tracas de la quitter moi-même.” Il supporte maintenant mal la présence de sa femme parce qu’il en a baisé une autre au hasard et qu’il sait très bien ce qu’il a fait et il en a honte. En fait, il souhaiterait bien se transporter dans un autre univers où aucun dommage n’aurait été fait. Mais dans tout autre univers, il existe d’autres dommages, peut-être pires encore.
Dans tous les possibles univers, Léon est le type d’homme à faire des déclarations dramatiques et poser des gestes suicidaires sinon parfaitement idiots.
Après coup, les gens l’implorent de continuer de faire les efforts, à se reprendre en mains et dans plusieurs autres univers c’est exactement ce qu’il fait et dans 105 univers, il boit jusqu’à sa mort, il boit sa mort en fait. Dans un de ces univers, un homme a perdu son chapeau. Dans un autre il l’a retrouvé, et dans un autre il n’en a jamais porté.
Dans un autre univers, la femme de Léon, Odile, assiste à la vente de charité dans l’exacte salle paroissiale où se tient la rencontre des alcooliques anonymes. Elle cherche une salle de bain. Elle passe devant la porte ouverte du meeting de Léon, comme il les appelle, et il la voit et horrifié autant qu’ébaubi il conduit pendant six heures vers la ville d’Abitibi où son frère habite et il ne la revoit plus avant au moins une décennie, dans un des multiples univers générés par cet événement-choc, et dans douze de ces univers nouveaux ils se croisent par hasard dans un bar d’Alma et dans six autres ils prennent un verre ensemble et dans trois, ils baisent à la mémoire des beaux jours, dans deux ils se remettent ensemble mais dans les deux cas, ils sont misérables et malheureux.
Ou, il ne la voit pas dans l’embrasure de la porte qui l’entend déclarer qu’il la voudrait morte, ce qu’il ne pense pas vraiment, mais elle l’a bien entendu et lorsqu’il rentre à la maison, elle le fout à la porte, demande et obtient le divorce, et pendant que Léon déménage, elle discute avec un des déménageurs qui lui laisse son numéro de téléphone et plus tard elle l’appelle et refait sa vie avec lui, se remarie et part vivre avec dans le bas du fleuve.
Dans tous les univers possibles, le temps est une illusion de mouvements qui se déploient par mitose infinie, division par division, alors par une nuit claire Odile pourrait tout aussi bien s’envelopper dans un manteau, parfois rien qu’une petite laine, pour sortir s’assoir sur le balcon de son trois-et-demi de Trois-Pistoles et se mettre à penser à ce que Léon peut bien devenir en espérant qu’il a vaincu son problème d’alcool et peut-être même aura-t-il rencontré quelqu’un d’autre et qu’il soit heureux parce qu’Odile n’a gardé aucun ressentiment et elle sait qu’il ne le pensait pas vraiment et que si elle méritait mieux, alors Léon aussi et qu’elle pouvait admirer tranquillement l’abysse étoilée au-dessus de sa tête, ces étoiles qui dureront toujours, préservées dans l’instant précis où elle les observe, le temps qu’elles émettent 1072 photons qui ne l’atteindront pourtant jamais.
Mais dans un autre de ces foutus univers, dans les faits, Odile meurt. Elle traverse les rails du chemin de fer en rentrant de l’épicerie, tous ses sacs à la main, et elle subit une sorte de mini-attaque attribuable à ses nouveaux anti-ovulants, elle attrape une faiblesse au moment exact où le train passe et elle est tranchée en deux, les carottes et les conserves répandues sur la voie, des pommes roulent, un pot d’olives explosé, sa saumure lentement absorbée par le gravier. Dans un autre univers pourtant, elle sort de la douche, fraîche et heureuse, mais la même faiblesse la prend et en tombant au sol, elle se fracasse le crâne sur le rebord du bain et meurt sur le coup. Quand on dit que ton heure est venue.
Dans 104 univers, Léon ne se doute pas qu’un officier de police s’en vient lui annoncer la triste nouvelle mais dans un autre univers pourtant, Léon qui s’est remis avec Odile, stoïque sous l’embrasure de la porte de la salle de bain regarde Odile, son regard immobile et totalement absent, vaguement orienté vers la flaque de sang déjà partiellement coagulé dans laquelle repose une bonne partie de la chevelure d’Odile. Et de la plaie de chair ouverte sur son front s’apprête à tomber paresseusement une dernière goutte qui s’étire lentement avant de plonger dans la flaque dans une milliseconde à venir mais encore suspendue dans le temps.
Avant que la goutte de sang ne touche à la flaque, 105 univers nouveaux naissent dans cette seule nanoseconde et dans 10∞ univers, Léon ne survit pas une seule fois. Même pas une.
Flying Bum
univers onirique aux confins de la SF et du cauchemar ! pôv Léon! la messe est dite !
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Luc est de retour, alléluia !
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Ma vie est un long comeback 🙂
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J’admire ta facilité à taper les puissances sur ton clavier car de mon côté : je cherche toujours comment on fait. Bravo à toi !
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Je ne sais pas trop la réponse, peut-être qu’il faut se dissocier de la crainte de passer pour un zigoto, je crois. Merci pour le commentaire.
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Ou alors, n’est-ce pas plutôt qu’un homme azerty en vaut deux ?
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Wow.
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